vendredi 4 septembre 2015

L'Europe, une zone de non-droit pour les réfugiés ? Article de Laure Salmona chargée de mission de l'Association Mémoire Ttaumatique et Victimologie. 4 septembre 2015



L’EUROPE, UNE ZONE DE NON-DROIT POUR LES RÉFUGIÉS ?


Par Laure SALMONA, Chargée de mission, Association Mémoire Traumatique et Victimologie.


Crédit photo : "European flag outside the Commission" par Xavier Hâpe - Licensed under CC BY 2.0 via Wikimedia Commons


En Europe la question des migrations est devenue un enjeu politique majeur : les événements géopolitiques affectent les flux migratoires internationaux et la situation au Moyen-Orient a fait exploser le nombre de demandes d’asile depuis le début de l’année 2015. L’Union européenne peine à débloquer les fonds nécessaires pour accueillir ces demandeurs d’asile dans des conditions décentes et respectueuses de leurs droits. Quant à l’extrême-droite, elle s’est empressée de sauter sur cette occasion rêvée pour faire son beurre populiste et agiter le spectre de la misère et du terrorisme, comme si la misère des autres était responsable de la misère des uns. Des migrations internationales, il y en a toujours eu, et pas seulement des pays du Sud vers ceux du Nord : depuis les années 2000 le nombre total de migrants a crû plus rapidement dans les pays en développement que dans les pays développés (1). De plus, l’explosion actuelle du nombre de demandeurs d’asile qui se pressent aux portes de l’Europe n’est pas due à un flux de migrations économiques, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime que les 167 000 personnes qui ont traversé la Méditerranée entre janvier et juillet 2015, dont la majorité viennent de Syrie (30% d’entre elles), d’Afghanistan et d’Érythrée, fuyaient la guerre, le conflit ou des persécutions et devraient bénéficier du statut de réfugié (2). 

UNE CRISE HUMANITAIRE D’AMPLEUR QUI N’A RIEN À VOIR AVEC L’IMMIGRATION ÉCONOMIQUE

Le mot « migrants » cristallise toutes sortes d’émotions, il s’affiche partout dans l’actualité, suscitant compassion et indignation mais aussi peur et réaction de rejet, il suffit de lire quelques commentaires sous les articles traitant du sujet pour mesurer à quel point une partie de l’opinion publique est prompte à étaler sans vergogne sa xénophobie crasse et ignorante sur les réseaux sociaux en dressant un portrait apocalyptique de ces demandeurs d’asile qu'elle perçoit comme des parasites venus voler le travail des autochtones et profiter des aides sociales, ou pire, comme des envahisseurs et des terroristes.

Migrations, quelques données 

Or, si l’on prend le temps de se pencher sur les données statistiques des migrations internationales, on s’aperçoit que l’on est loin de la vision fantasmée par l’extrême-droite d’une horde de barbares venus des pays en développement pour profiter des avantages sociaux de nos pays développés. Si le nombre total de migrants internationaux s’est accru ces dix dernières années, passant de 150 millions de personnes en 2000 à 232 millions de personnes en 2013 (3), rapporté à la population totale, il reste relativement stable : ils ne représentaient que 3,2% de la population mondiale en 2013 contre 2.9 % en 1990 (4). Par ailleurs, la majorité des flux migratoires ne se font pas de pays en développement à pays développé : seul un tiers des migrants internationaux s’est déplacé d’un pays en développement vers un pays développé. La plupart des migrations concernent des pays de niveau de développement équivalent : 60% des migrants se déplacent entre pays développés ou entre pays en développement (5). 
Enfin, on trouve parmi les migrants un grand nombre de réfugiés, le HCR en décomptait 19,5 millions en 2014, et 51% de ces réfugiés étaient des enfants (6). La plupart de ces réfugiés vivaient à proximité du pays qu’ils avaient fui. Le HCR montre en effet que les principales régions d’origine des réfugiés ont aussi été les régions d’accueil de 75 à 93 % des réfugiés (7).

Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde

La confusion actuelle entre les termes « migrant » et « réfugié » réactualise la formule de Socrate dans le Phédon : « une expression vicieuse ne détonne pas uniquement par rapport à cela même qu’elle exprime, mais cause encore du mal dans les âmes » (8) ainsi que celle, autrement plus célèbre, notée par Albert Camus en commentaire d’un texte de Brice Parain : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » (9). L’amalgame entre migrants et réfugiés a de lourdes répercussions sur l’opinion publique car elle entretient la confusion entre une situation qui relève d’une migration économique et une situation d’exil forcé. 
Loin d’être synonymes, ces termes relèvent donc de statuts juridiques très différents. La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés dispose qu’un réfugié est une personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». À la différence des migrants, qui choisissent de partir pour améliorer leur niveau de vie ou pour d’autres raisons mais continueront de bénéficier la protection de leur gouvernement s’ils retournent chez eux, les réfugiés ne peuvent retourner dans leur pays sans craindre pour leur vie, leur liberté ou leur intégrité physique.
Comme le rappelle William Spindler, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), « il est tout simplement inexact de parler de migrants syriens, alors que la Syrie est en guerre. Les personnes qui fuient la guerre méritent de la compassion. En ne les appelant pas réfugiés, vous les privez de l’empathie et de la bienveillance que l’opinion européenne éprouve pour les réfugiés » (10). Et si la situation en Syrie est devenue la référence obligatoire lorsque l’on évoque les réfugiés, il ne faut pas perdre de vue que les pays où se déroulent actuellement des conflits armés sont légion : le Soudan, le Yemen, la République démocratique du Congo (RDC), la Somalie, le Nigéria, l’Érythrée, la Libye, l’Irak… Sans oublier toutes les minorités opprimées et victimes de persécutions : les femmes, les homosexuels, les opposants à un régime dictatorial, les Rohingyas, les Tibétains, etc.
Les États ont le devoir de garantir aux réfugiés des droits, et l’un des principe les plus fondamentaux énoncé par le droit international est le principe de non refoulement : les réfugiés ne devraient en aucun cas être expulsés ou renvoyés dans un pays où leur vie et leur liberté sont menacées. Si les gouvernements disposent de latitude pour gérer l’immigration, ils sont tenus de respecter les normes de protection et d’asile des réfugiés définies par le droit international et ont des responsabilités précises envers les demandeurs d’asile, que ces derniers se trouvent sur leur territoire ou à leurs frontières.
Lorsque le Premier ministre britannique, David Cameron, évoque une « nuée de migrants traversant la Méditerranée à la recherche d’une vie meilleure, et cherchant à venir au Royaume-Uni parce qu'il y a du travail, que son économie est en pleine croissance et que c'est un endroit incroyable pour vivre » (11) alors que la grande majorité de ces personnes sont des réfugiés fuyant un pays en guerre, cela peut avoir de graves conséquences sur la sécurité des demandeurs d’asile. Dénier à ces personnes le statut de réfugié c’est leur dénier la protection juridique à laquelle elles ont droit, c’est aussi conduire les populations à être moins solidaires et attiser les haines à leur égard, alors qu’elles ont plus que jamais besoin de bénéficier d’asile et de protection.

L’EUROPE AU PIED DU MUR

Malheureusement, ce n’est pas la solidarité et la compassion qui étouffent l’Europe : plutôt que d’allouer plus de fonds pour veiller au respect des droits des demandeurs d’asile, l’Union européenne a choisi de mettre l’accent sur la fermeture des frontières et d’investir dans des dispositifs de surveillance comme FRONTEX (12). Pire, certains États membres édifient même des remparts pour tenter d’endiguer l’afflux des migrants et des réfugiés. 

Les murs de la honte

En empêchant l’accès au territoire européen aux demandeurs d’asile, les murs de la honte qui ont tristement fleuri à Ceuta et Melilla, en Grèce et en Hongrie bafouent le droit international en violant le principe de non refoulement garanti par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il est intolérable que des pays membres de l’Union européenne refusent ainsi aux réfugiés leur droit à demander asile. En vertu de ce principe fondamental, personne ne peut être renvoyé dans un pays dans lequel sa vie ou sa liberté est menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou en raison de ses convictions politiques, et toute personne qui exprime cette crainte doit se voir accorder le droit d’entrée. Le principe de non refoulement fait partie du droit international public coutumier et lie de ce fait l’ensemble des États.
De plus les murs ne sont que de coûteux épouvantails, il n’empêchent pas vraiment les migrants et les réfugiés de passer, ils rendent juste leur périple plus long et plus dangereux et contribuent à enrichir les passeurs. Plus qu’une barrière physique il s’agit surtout d’ériger un symbole, symbole d’une peur irrationnelle de l’autre, symbole d’un terrible recul des droits de l’Homme en Europe, symbole politique enfin, d’une compromission populiste des gouvernements.
La Hongrie, qui vient d’achever de construire une clôture frontalière entre son territoire et celui de la Serbie, est devenue le second pays européen en matière de demande d’asile (130 000 depuis le début 2015) (13), une manne que le gouvernement Orban exploite au mieux à des fins de politique interne pour nourrir sa croisade populiste xénophobe visant à présenter les migrants comme des terroristes potentiels, notamment avec la Nemzeti konzultáció (consultation nationale sur « l’immigration et le terrorisme ») de mai dernier (14). Le mur est avant tout une manigance de plus visant à augmenter la popularité du Fidesz talonné par l’extrême-droite dans les sondages. En effet, les camps de réfugiés hongrois n’accueillent actuellement qu’un faible pourcentage de demandeurs d’asile puisque 90% des réfugiés partent immédiatement pour l’Autriche et l’Allemagne (15).

La faillite du mécanisme Dublin III

Ce que craint le gouvernement hongrois, c’est qu’en vertu du règlement « Dublin III » les autres États membres lui renvoient les demandeurs d’asile entrés par la Hongrie. Le règlement « Dublin III » vise à déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée par un ressortissant de pays tiers sur le territoire de l’un des États membres de l’Union européenne. L’idée principale est d’éviter l’« Asylum Shopping », c’est-à-dire que le demandeur d’asile puisse choisir le pays dans lequel il introduira sa demande d’asile. Ainsi, lorsque le demandeur d'asile a franchi la frontière d’un État membre, cet État est responsable de l’examen de sa demande d’asile et doit donc le prendre en charge et pourvoir à ses besoins. S’il se trouve dans un autre État, qu’il y ait ou non déposé une demande d’asile, il devra être renvoyé vers le premier État traversé.
Alors que l’Europe est confrontée à une crise humanitaire d’une ampleur exceptionnelle, on mesure bien toute la faillite de ce mécanisme qui concentre inévitablement les demandeurs d’asile dans les États qui forment les frontières de l’Union européenne et aboutit à une situation inéquitable, non seulement pour les États membres, mais aussi pour les demandeurs d’asile qui ne bénéficient pas de conditions d’accueil et de protection optimales. Dans son rapport sur la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et de ses incidences sur les droits de l’homme des migrants, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants préconise d’« inverser la logique actuelle en permettant aux demandeurs d’asile de déposer leur demande dans le pays de leur choix à l’intérieur de l’Union européenne » (16). L’Allemagne, quant à elle, a décidé de suspendre le renvoi des réfugiés syriens vers le pays par lequel ils sont entrés dans l’Union européenne (17), et la chancelière Angela Merkel a appelé les pays à se montrer solidaires.
Il est grand temps que l’Union européenne admette que ses frontières ne peuvent pas rester étanches et cesse d’investir des ressources considérables dans des systèmes de fermeture qui s'avèrent de toute façon inopérants, qu’elle se mette en lieu et place à promouvoir le respect des droits de l’homme qui est censé être l’une de ses valeurs fondamentales.

UN DEVOIR DE PROTECTION ET DE SOLIDARITÉ

Car les demandeurs d’asile qui se pressent aux frontières européennes ont plus que jamais besoin que leurs droits soient respectés : ce sont des réfugiés qui arrivent de pays en guerre, qui ont subi des persécutions et des souffrances inouïes, qui ont quitté leur patrie parce qu’ils craignaient pour leur vie. Comme le souligne le Haut Commissaire pour les réfugiés António Guterres : « Tout laisser derrière soi, tout de ce qui nous a été cher et précieux, c’est-à-dire se retrouver projeté dans un avenir incertain, en un milieu étranger. Vous représentez-vous le courage qu’il faut pour vivre avec la perspective de devoir passer des mois, des années, peut-être toute une vie, en exil. » (18). L’Europe devrait tout mettre en œuvre pour les accueillir dans des conditions dignes, pour les protéger et leur témoigner une solidarité sans faille.

Des enfants, des femmes et des hommes vulnérables et traumatisés

Et la migration en elle-même implique de nombreux risques. Il suffit de lire les récits de la traversée du Sahara, l’un des moment les plus dangereux du trajet (19), ou de prêter attention au nombre de migrants et de réfugiés qui ont trouvé la mort en tentant d’atteindre l’Europe (20). Nombreux sont les réfugiés qui ont subi de nouvelles violences durant leur périple : viols, torture, blessures par balle, notamment les femmes et les enfants, plus vulnérables encore (21). La barbarie qui s’abat sur ceux qui se risquent à fuir une situation de grand danger semble ne pas avoir de limites. La migration, du fait de sa violence, entraîne des troubles psychotraumatiques dont les répercussions sont très lourdes, en particulier pour les enfants. Elle fait peser sur eux un risque accru de souffrir de mauvais traitements, d'être impliqué dans des activités illégales, de développer une dépendance à la drogue et à l'alcool et d'avoir des troubles d'attention à l’école (22).
En mars 2014, près de deux millions d’enfants syriens étaient devenus des réfugiés. Plus de 23 000 réfugiés mineurs, dont plus de la moitié étaient non accompagnés, avaient atteint l’Europe après avoir traversé la Méditerranée en 2014. Selon le HCR, beaucoup de ces enfants réfugiés avaient enduré des violences et des souffrances extrêmes ou en avaient été témoins, et le nombre d’enfants séparés de leur famille était particulièrement élevé. Pour survivre, certains se retrouvent dans des situations qui accroissent leur vulnérabilité et les exposent à davantage de risques, comme le travail des mineurs ou la mendicité. Ces risques concernent en particulier les adolescents, nombreux à assumer la garde d’enfants plus jeunes et à contribuer aux revenus de la famille, même si cela implique d’effectuer un travail dangereux, d’accepter un mariage précoce ou de se prostituer (23).

Le déni européen

À leur arrivée, les réfugiés, et tout particulièrement les réfugiés mineurs, ont donc besoin de bénéficier de l’asile, d’une protection, de soins et de bienveillance, mais las, l’Europe semble lente à prendre conscience de la crise humanitaire qui est en train de se jouer sur son sol. 
En 2007, le HCR s'alarmait déjà des difficultés croissantes à distinguer immigrés économiques et exilés politiques en raison du durcissement des lois anti-immigration, ainsi que des atteintes aux droits des personnes dues à des conditions d’accueil et de rétention administrative parfois déplorables et inhumaines, à l’absence d’information des demandeurs d’asile sur leur droits et sur les procédures d’asile, au manque d’interprètes et à une aide juridique insuffisante (24). Or, ces derniers mois, malgré l’ampleur prise par la crise des réfugiés, l’Union européenne semblait plus prompte à trouver des fonds pour financer des politiques d’expulsion que pour améliorer l’accueil des demandeurs d’asile (25). Et l’aide tardivement débloquée par l’Union européenne (26) risque de s’avérer insuffisante face à l’arrivée massive de nouveaux demandeurs d’asile et à la lourdeur des procédures d’accueil.
Quant à la plupart des États membres, ils paraissent encore espérer que les réfugiés iront chez le voisin plutôt que chez eux. Du refus de la politique de quotas d’accueil de réfugiés par État membre proposée par la Commission Européenne (27) aux déclarations de la Slovaquie qui souhaite pouvoir faire son son choix tranquillement en n’acceptant que 200 réfugiés qui devront être syriens et chrétiens (28), en passant par l’annonce par la Hongrie de la suspension unilatérale du règlement « Dublin III » (29) avant qu’elle ne revienne sur sa décision sous la pression de l’Union européenne (30) et s’attelle à parachever son mur, on voit bien que les États membres tentent de se renvoyer la patate chaude et feignent l’absence de responsabilité collective par rapport au respect du droit international et des droits de l’Homme. Et pour cause, les dirigeants des États membres semblent plus soucieux d’un éventuel impact électoral négatif de cette crise que du respect des droits des réfugiés. Voilà ce qui explique qu’un vent diffus de déni continue de souffler sur l’Europe alors que le nombre de réfugiés syriens a dépassé les 4 millions et que des pays comme la Turquie et le Liban en accueillent respectivement 1,8 et 1,1 million sur leur sol (31).

VERS UN ÉVEIL NÉCESSAIRE DES CONSCIENCES ? 

Vulnérables, les demandeurs d’asile ont rarement la possibilité de lutter pour le respect de leurs droits : c’est à l’Union européenne qu’il revient de cesser de considérer les migrations comme un problème de sécurité auquel il devrait être mis fin et de commencer à les envisager comme un défi humanitaire. Les demandeurs d’asile, qu’ils soient réfugiés ou migrants économiques, sont avant tout des êtres humains dont les droits doivent êtres respectés.
Espérons que cette crise humanitaire aura des répercussions positives et poussera l’Union européenne à prendre ses responsabilités en mettant en œuvre une politique d’asile et d’immigration respectueuse des droits, de l’intégrité physique et de la dignité des personnes, une politique qui donnera la priorité à la protection plutôt qu’à la suspicion. L’Allemagne a déjà commencé à prendre position en ce sens et la photographie qui montre Aylan Kurdi, l’enfant syrien de 3 ans retrouvé mort noyé, échoué sur une plage Turque, semble être devenue le symbole de l’urgence d’un réveil humaniste en Europe.
Mais combien faudra-t-il encore voir de cadavres s’étaler à la une des quotidiens pour terrasser le déni ? Car le danger n’est pas à nos frontières, il est là où l’on évacue l’humain pour y substituer des statistiques et des concepts. Comme l’écrivait Franz Fanon en 1952, « Le malheur et l’inhumanité du Blanc sont d’avoir tué l’homme quelque part. Sont, encore aujourd’hui, d’organiser rationnellement cette déshumanisation. » (32).
Laure SALMONA. 


NOTES
 (1) « Entre 2000 et 2010, le taux de croissance moyen des effectifs de migrants dans le Sud était de 2.5 % par an. Au Nord, ce taux s’élevait à 2.3 %. Depuis 2010, il a chuté à 1.8 % dans les régions en développement et à 1.5 % dans les régions développées. »
(2)  Source : Centre d’actualités de l’ONU, Crise en Méditerranée : le nombre des réfugiés et des migrants a augmenté de 83% en un an, selon le HCR, 1er juillet 2015,  http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35093#.VeV-oFPtmko
(3) Source : Division de statistique des Nations Unies 2013 cité in Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2014, New-York, PNUD, 2014, p.128, http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr14-report-fr.pdf
(4)  Source : Nations Unies/DAES - OCDE, Les migrations internationales en chiffres - Contribution conjointe des Nations Unies/DAES et de l’OCDE au Dialogue de haut niveau des Nations Unies sur les migrations et le développement, 3-4 octobre 2013, http://www.oecd.org/fr/els/mig/les-migrations-internationales-en-chiffres.pdf.
(6) Source : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Global Trends 2014, UNHCR, 2014, p. 2-3, http://unhcr.org/556725e69.html 
 (7) Source : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Tendances mondiales 2011, une année de crises, UNHCR, 2011, p.10, http://www.unhcr.fr/501145f39.html
(8)  PLATON, Apologie de Socrate, Criton, Phédon, Paris, Gallimard, coll. « Idées/Gallimard », 1976, p. 222-223.
(9)  Albert CAMUS, Sur une philosophie de l’expression [1944] in Œuvres complètes, Vol. 1, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 2006, p. 908. 
(10)  « It’s simply inaccurate to talk about Syrian migrants when there’s a war going on in Syria. People who flee war deserve sympathy. So by not calling them refugees, you’re depriving them of the sympathy and understanding that the European public has for refugees. » cité in Karl RITTER, Refugees or Migrants? Debate Over Words to Describe Crisis, ABC News, 28 août 2015, http://abcnews.go.com/International/wireStory/refugees-migrants-debate-words-describe-crisis-33374921#.VeAYWlvMa9g.twitter
(11)  Propos tenus par David Cameron lors d’une interview donnée à la chaine de télévision ITV en marge d'une visite officielle au Vietnam, jeudi 30 juillet 2015, cité in France TV info, Calais : David Cameron attaqué pour avoir évoqué une “nuée” de migrants, 31 juillet 2015, http://www.francetvinfo.fr/france/nord-pas-de-calais/migrants-a-calais/calais-david-cameron-attaque-pour-avoir-evoque-une-nuee-de-migrants_1022777.html
(12)  Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne.
(13)  Source : Corentin Léotard, En Hongrie, l'afflux de réfugiés provoque une surenchère droitière, Mediapart, 29 août 2015, http://www.mediapart.fr/journal/international/290815/en-hongrie-lafflux-de-refugies-provoque-une-surenchere-droitiere
(14)  Consultation lancée en Hongrie par le Premier Ministre Viktor Orban le 2 mai 2015 sous forme d’un questionnaire de 12 items envoyé à 8 millions de Hongrois. 
Pour en savoir plus : Florence La Bruyère, «Immigration et terrorisme», le questionnaire tendancieux d’Orban, RFI, 2 mai 2015, http://www.rfi.fr/europe/20150502-hongrie-immigration-terrorisme-questionnaire-tendancieux-orban
(15)  Source : Florence La Bruyère, Immigration : le double langage de Budapest, Libération, 25 juin 2015, http://www.liberation.fr/monde/2015/06/25/immigration-le-double-langage-de-budapest_1336427
(16)  Source : Nations Unies, Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau, Conseil des droits de l’homme,Vingt-neuvième session, Point 3 de l’ordre du jour Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturel, y compris le droit au développement, Nation Unies, 8 mai 2015, p. 22, http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/RegularSessions/Session29/Documents/A_HRC_29_36_FRE.DOCX
(17)  Source : L’Allemagne suspend le renvoi des réfugiés syriens vers leur pays d’entrée dans l’UE, Le Monde, 25 août 2015, http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/08/25/l-allemagne-suspend-le-renvoi-des-refugies-syriens-vers-leur-pays-d-entree-dans-l-union-europeenne_4736347_3214.html
(19)  Source : Migrants being raped, shot and tortured on desperate journeys to Europe, doctor reveals, The Independent, 15 août 2015, http://www.independent.co.uk/news/world/europe/migrants-being-raped-shot-and-tortured-on-desperate-journeys-to-europe-doctor-reveals-10457130.html
(20) Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés, 2 500 personnes ont perdu la vie en tentant de gagner l'Europe depuis le 1er janvier 2015.
(21)  « Nous savons que la plupart des femmes qui arrivent seules ont du être violées - et de nombreuses femmes arrivent seules. » Dr Crepet compare certains des récits qu’elle a pu entendre à de la torture, et parle des migrants ayant été violés en réunion, sous les yeux de leur famille, par leurs ravisseurs en Libye. « Hommes ou femmes, cela ne change rien, » dit-elle « Nous avons vu des enfants de 13 ans qui avaient été violés. »
Source : « “We know that most of the women who come here alone must have been raped - and a lot of women arrive on their own. » Dr Crepet likened some of the stories she had heard to torture, telling of migrants being gang-raped in front of their loved ones by their captors in Libya. “Men or women, it doesn’t matter,” she said. “We’ve seen 13-year-olds who have been raped.“ »
Migrants being raped, shot and tortured on desperate journeys to Europe, doctor reveals, The Independent, 15 août 2015, http://www.independent.co.uk/news/world/europe/migrants-being-raped-shot-and-tortured-on-desperate-journeys-to-europe-doctor-reveals-10457130.html
(22)  Source : Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2014, New-York, PNUD, 2014, p.128, http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr14-report-fr.pdf
(23)  Source : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Rapport global 2014, UNHCR, 2014, p.36, http://www.unhcr.fr/559f7e6fb.html
(24)  Source : Judith KUMIN, « Contrôle versus protection : les réfugiés, les migrants et l’Union européenne » in Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Réfugiés. Réfugiés ou migrants ? Pourquoi cette question compte, Numéro 148, Vol. 4, UNHCR, 2007, p.25-28, http://www.unhcr.fr/4ad2f931a.pdf
(25)  Carine FOUTEAU, Migrants: le Conseil européen parle expulsions plutôt qu’accueil, Mediapart, 26 juin 2015, http://www.mediapart.fr/journal/france/260615/migrants-le-conseil-europeen-parle-expulsions-plutot-quaccueil
(26)  2,4 milliards d’euros sur 6 ans.
Source : Face à la crise des migrants, Bruxelles débloque 2,4 milliards d’euros, Le Monde, 10 août 2015, http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/08/10/face-a-la-crise-des-migrants-bruxelles-debloque-2-4-milliards-d-euros_4719767_3214.html
(27)  Source : Immigration : l'Europe abandonne l'idée de quotas, France Info, 26 juin 2015, http://www.franceinfo.fr/actu/europe/article/immigration-l-europe-abandonne-l-idee-de-quotas-697226
(28)  Source : Adrien LELIÈVRE, Le gouvernement slovaque a donné son feu vert pour accepter sur son sol 200 personnes qui ont fui la guerre civile en Syrie. A la seule condition qu’elles soient chrétiennes, Les Échos, 20 août 2015, http://www.lesechos.fr/monde/europe/021271554700-la-slovaquie-prete-a-accueillir-des-refugies-syriens-chretiens-mais-pas-de-musulmans-1146496.php
(29)  Source : La Hongrie refuse de gérer les demandes d’asile de migrants entrés en Europe par son territoire, Le Monde, 23 juin 2015, http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/06/23/lassee-de-l-afflux-de-demandes-d-asile-la-hongrie-suspend-sa-participation-a-un-reglement-europeen_4660264_3214.html
(30)  Source : La Hongrie renonce à suspendre un règlement européen clé sur les migrants, Le Monde, 24 juin 2015, http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/06/24/la-hongrie-renonce-a-suspendre-un-reglement-europeen-cle-sur-les-migrants_4660868_3214.html
(31)  Source : En Syrie, plus de 4 millions de réfugiés en quatre ans de guerre, Le Monde, 9 juillet 2015, http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/09/en-syrie-plus-de-4-millions-de-refugies-en-quatre-ans-de-guerre_4677501_3218.html
(32)  Franz FANON, Peau noire, masques blancs [1952], Paris, Editions Points, coll. « Points  Essais », 2015, p. 224.

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