lundi 27 juillet 2015

Nouvel article de la Dre Muriel Salmona : LE CHANGEMENT DANS LES PSYCHOTHÉRAPIES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES paru dans Psychothérapie et éducation, Paris, Dunod, juillet 2015


LE CHANGEMENT 
DANS LES PSYCHOTHÉRAPIES 
DE FEMMES VICTIMES 
DE VIOLENCES CONJUGALES


Dre Muriel Salmona, juillet 2015

Psychiatre - psychothérapeute

Dr Muriel Salmona in Coutanceau R. et Joanna Smith (eds) in Psychothérapie et éducation : la question du changement, Paris, Dunod, 2015

PDF à télécharger ICI : http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/Documents-pdf/2015Le-changement-en-psychotherapie-des-victimes-de-violences-in-Psychotherapie-eteducation.pdf

Le changement passe par une libération de l’emprise du conjoint violent, et au-delà, une libération de l’emprise de tous les systèmes agresseurs auxquels a été exposée la victime. Cette emprise, véritable colonisation des processus psychiques et émotionnels par des violences, répétées le plus souvent sur de nombreuses années, est un formidable outil de soumission et de désorganisation de la personnalité. Déconstruire l’emprise et restaurer la personnalité de la victime est un des buts essentiels de la psychothérapie, cela passe par une mise en sécurité la victime et par le traitement de ses troubles psychotraumatiques et plus particulièrement de sa mémoire traumatique et de ses troubles dissociatifs. Mais ce qui permet à la victime d’enclencher ce travail et de le rendre possible c’est la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la production des symptômes traumatiques, et l’identification des violences et de la stratégie de son agresseur. Comprendre, donner du sens à sa souffrance, à son mal être, à ses troubles du comportement, pouvoir les relier à des conséquences logiques d’actes violents intentionnels perpétrés dans le but d’atteindre l’intégrité psychique et de générer un état de colonisation et de soumission s’avère libérateur, et permet à la victime de sortir du scénario mis en place par le conjoint violent. 

Nous allons le voir tout au long de cet article, la libération de l’emprise et le processus de guérison sont en relation avec un changement de paradigme : les conséquences psychotraumatiques ne viennent pas de la victime mais des violences, ce sont des conséquences normales, contrairement à ce qui est souvent renvoyé à la victime, celle-ci n’aime pas rester avec le conjoint violent, ce n’est pas ce qu’elle veut, elle n’est pas à l’origine de son propre malheur, elle est juste gravement traumatisée et dissociée, et elle cherche à survivre aux violences en empêchant sa mémoire traumatique d’exploser. Dans cette optique, la reconnaissance de la réalité des violences subies et de leur impact psychotraumatique, la compréhension des mécanismes neuro-biologiques en jeu et des stratégies des agresseurs sont essentielles pour la victime et pour toutes les personnes qui vont la prendre en charge et la soigner.

DÉCONSTRUIRE L’EMPRISE EN IDENTIFIANT LES VIOLENCES POUR CE QU’ELLES SONT : UN INSTRUMENT DE DOMINATION ET UNE ENTREPRISE DE DESTRUCTION

Les violences conjugales, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles, sont une arme très efficace pour dominer, soumettre et instrumentaliser les victimes, pour les mettre au service du confort physique, sexuel, psychique, financier de leur conjoint, les transformant en esclaves, en thérapeutes, en « médicament-drogue » pour s’anesthésier, en « figurantes » pour jouer un rôle dans sa mise en scène, en source de revenus. Les violences conjugales sont toujours une affaire de recherche de pouvoir sur l’autre, de satisfaction de ses propres attentes au détriment de l’autre. Souvent exercée sous couvert de l'amour, de la jalousie, de la frustration, d’un besoin sexuel, d’une nécessaire éducation, de la contrariété, de la fatigue et de l’énervement, de l’alcool, etc., elles sont une véritable entreprise de démolition identitaire utilisée pour conditionner les victimes à se soumettre, à se ressentir comme n’ayant aucune valeur, inférieure, incapable, incompétente, coupable, honteuse, inintelligente, sans aucun droit, réduite à une chose. Elles entraînent, par la sidération psychique et le stress extrême qu'elles génèrent face à des situations incohérentes, injustes, incompréhensibles et intolérables, des psychotraumatismes avec une atteinte grave de l'intégrité psychique des victimes. L'auteur des violences, comme nous le verrons, utilise ces troubles psychotraumatiques qu'il crée chez la victime pour mettre en place, puis assoir, son emprise.

Changer, pour la femme victime de violences conjugales, c’est redevenir soi-même, retrouver sa personnalité, son unité, sa cohérence, sa valeur, ses droits, et parfois même, lorsque les violences ont débuté dans l’enfance, se découvrir enfin.

Le but de la psychothérapie est donc de permettre ce changement, mais cela demande un travail complexe centré sur les violences subies et leur impact psychotraumatique, qui doit prendre en compte tout ce qui a permis la mise en place de l’emprise du conjoint violent, et au-delà, tout ce qui permet de la maintenir. 

Lors de violences conjugales, les différents acteurs qui prennent en charge les victimes, et ne sont que rarement formés aux conséquences psychotraumatiques des violences, sont très souvent confrontés à de grandes difficultés pour opérer ce processus de libération, les victimes restent attachées à leur conjoint violent et continuent à être à leur service. Et même lorsqu’elles s’en sont séparées, ils assistent fréquemment, impuissants, à des processus de répétition : les femmes victimes revenant vers leur conjoint violent, ou se retrouvant avec de nouveaux partenaires violents. Le changement libérateur n’a pas eu lieu, dans ces cas, les prises en charges ont traité avant tout les symptômes les plus gênants et donné des médicaments pour anesthésier les douleurs et les détresses les plus graves sans s’attaquer aux causes, ou bien n’ont traité qu’une partie des causes. Les processus de colonisation fonctionnent toujours. 

La colonisation par les systèmes agresseurs est un processus qui s’inscrit dans le temps et dans l’espace. Le travail psychothérapique dans le cadre de violences conjugales a pour objet de déconstruire tous les systèmes d’emprise qui ont été mis en place en couches successives, souvent depuis de nombreuses années. Ce travail ne pourra pas faire l’économie d’un véritable engagement pour dénoncer les violences et les systèmes de domination qui les soutiennent, démonter les stratégies des agresseurs, lutter contre le déni, la loi du silence, les inégalités, pour remettre le monde à l’endroit et faire valoir les droits des victimes (Salmona, 2013).

Le conjoint violent bénéficie presque toujours d’un formatage bien antérieur de sa victime à la soumission, la tolérance et l’hyper-adaptation à des situations extrêmes, déjà effectué dans l’enfance dans des milieux familiaux violents : antécédents de maltraitance, d’exposition à des violences conjugales, et de violences sexuelles dont on connaît malheureusement la fréquence (Enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adule, 2015). Avoir subi des violences dans l’enfance est un facteur de risque majeur d’en subir à nouveau tout au long de sa vie (OMS, 2010 et 2014, Felitti 2010). Il bénéficie également du fait que sa victime, quelles que soient les violences subies depuis son plus jeune âge, n’a jamais été ni protégée, ni reconnue comme victime, ni soignée, a dû grandir en survivant seule aux violences et à leurs conséquences psychotraumatiques. Elle a appris à considérer qu’elle n’avait pas de valeur, aucun droit et que personne ne viendrait à son secours. Elle a dû construire sa personnalité avec une mémoire traumatique et des troubles dissociatifs de survie, qui l’auront empêché de se connaître et de se penser comme normale (van der Hart, 2010, Salmona, 2013). Il va donc tirer parti des traumas accumulés non traités de sa victime, et des conséquences souvent désastreuses des stratégies de survie qu’elle a été dans l’obligation de développer et qui sont des facteurs de vulnérabilité. 

En plus de cette complicité de systèmes agresseurs du passé de sa victime, il bénéficie de toute une complicité ambiante : celle d’une société inégalitaire et patriarcale, encore dans le déni face aux violences faites aux femmes et aux filles et qui véhicule de nombreux stéréotypes sur les femmes, sur le couple et l’amour, ainsi que d’une non reconnaissance de l’impact psychotraumatique des violences sur la santé des victimes. L’ensemble ayant pour effet de désigner la victime comme responsable des violences qu’elle subit et de ses propres souffrances, et de lui barrer toute possibilité de reconnaissance. De façon particulièrement injuste, les troubles psychotraumatiques sont renvoyés à la victime comme étant des preuves de ses incapacités, de sa folie, de sa bêtise, de ses mensonges… La méconnaissance des troubles psychotraumatiques et de leurs mécanismes porte lourdement préjudice aux victimes puisqu’elle permet de ne pas reconnaître la réalité de la souffrance, des symptômes et des handicaps qu’elles présentent, ou de les relier à leur cause : les violences. Elle permet également de continuer à mettre en cause les victimes qui seraient les artisanes de leur propre malheur en étant incapables d’aller mieux, de se relever, de tourner la page, d’arrêter de se victimiser, de sortir d’une prétendue fascination pour le trauma…

IDENTIFIER, EXPLIQUER ET TRAITER LES CONSÉQUENCES PSYCHOTRAUMATIQUES DES VIOLENCES

Les femmes victimes de violences dans le couple, du fait du caractère particulièrement grave du traumatisme subi (dû à l'intentionnalité, les liens avec l'agresseur, l'impuissance et l'incompréhension, l'injustice, l'atteinte à la dignité et à l'intimité, la répétition et la durée, et la présence fréquentes de violences sexuelles) sont particulièrement exposées à des conséquences psychotraumatiques. Ce sont des conséquences normales et universelles des violences (McFarlane, 2010) qui s’expliquent par la mise en place de mécanismes neuro-biologiques et psychiques de survie à l’origine d’une mémoire traumatique. les atteintes sont non seulement psychologiques, mais également neurologique avec des dysfonctionnements importants des circuits émotionnels et de la mémoire et de la mémoire, visibles sur des IRM dont nous connaissons depuis plusieurs années les mécanismes psychologiques et neuro-biologiques (Rauch, 2006, Nemeroff, 2009,  Louville et Salmona, 2013). Ils ne sont pas liés à la victime mais avant tout à la gravité de l’agression, le caractère insensé des violences, l’impossibilité d’y échapper, ainsi qu’à la mise en scène terrorisante et à l’intentionnalité destructrice de l’agresseur. avec de lourdes répercussions sur leur santé pouvant représenter un risque vital (état de stress post-traumatique, dissociation traumatique, dépression, risque suicidaires, troubles anxieux généralisés, troubles de la personnalité, addictions, troubles des conduites et du comportement avec mise en danger, accidents, maladies liées au stress). Dans le cadre des violences au sein du couple, ces troubles psychotraumatiques sont particulièrement graves, durables et fréquents ( 58 % d'état de stress-post-traumatique/ 24% chez l'ensemble des victimes de traumatismes – Astin, 1995) avec des chiffres encore plus importants quand des violences sexuelles sont présentes ( 80 %/ 24% - Breslau, 1991) et sont responsables de nombreuses conduites paradoxales des victimes (confusion, banalisation, tolérance, dépendance à l'agresseur, conduites à risques) qui rendent la prise en charge difficile.

Sans une prise en charge adaptée ces troubles psychotraumatiques peuvent durer des années, des dizaines d'années, voire toute une vie. Ils sont à l’origine pour les victimes traumatisées d’une très grande souffrance mentale et d’un possible risque vital (près de 50% des victimes font des tentatives de suicide, conduites à risque). Ils ont un impact considérable sur leur santé démontré par les études internationales que ce soit sur leur santé mentale : troubles anxieux, dépressions, troubles du sommeil, troubles cognitifs, troubles alimentaires, addictions pour 50% d’entre elles, etc ; sur leur santé physique (troubles liés au stress et aux stratégies de survie), la santé de leurs enfants et leur qualité de vie (Black, 2011, l’Enquête 2015 de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie a montré que 95% des victimes de violences sexuelles avaient un impact sur leur santé mentale et 43% sur leur santé physique).  Et nous savons aussi qu’avoir subi des violences est un des principaux déterminants voire le déterminant principal (quand les violences ont été subies dans l’enfance) de l’état de santé des personnes même 50 ans après (Garcia-Moreno, 2006 et Felitti et Anda, 2010).

Dès le début de la thérapie, les deux éléments qui vont avoir l’impact le plus libérateur chez les victimes sont l’information sur les conséquences psychotraumatiques associée à la compréhension de leurs mécanismes psychologiques et neuro-biologiques, et l’identification précise des violences  associée à l’analyse des stratégies du conjoint violent. Les dimensions psycho-éducatives et d’analyse des systèmes agresseurs sont essentielles.

En l’absence de compréhension des mécanismes à l’origine de la mémoire traumatique, les victimes, même à distance des violences, subissent les réminiscences des violences et des mises en scène des agresseurs, et y adhèrent le plus souvent comme à des productions psychiques émanant de leurs propres processus de pensée, ce qui est particulièrement effrayant et les persuade qu’elles sont peut-être folles. Elles vont se croire terrorisées, en état de panique, en train de mourir, alors que rien ne les menace. Elles vont se croire soudainement déprimées, n’ayant plus aucun espoir, avec comme seule perspective celle de se suicider et de disparaitre, alors qu’elles aiment la vie, leurs enfants. Elles vont se croire coupables et avoir honte de ce qu’elle sont, elles vont se penser comme n’ayant aucune valeur, moches, débiles, moins que rien, un déchet bon à mettre au rebut, alors qu’elles font tout au mieux. Elles vont se croire monstrueuses, agressives, perverses, capables de faire du mal, alors qu’elles ne cherchent qu’à aimer. Elles vont croire qu’elles désirent des actes sexuels violents et dégradants, alors qu’elles ne rêvent que de tendresse (Salmona, 2012). 

De même, en l’absence d’explication, les conduites d’évitement et les conduites dissociantes telles que les conduites à risque, les mises en danger, les addictions et les troubles alimentaires compulsifs vont avoir des conséquences très lourdes sur leur estime de soi : les victimes vont se penser comme incapables de vivre comme les autres, elles vont se trouver bizarres, nulles, limitées intellectuellement, totalement dépourvues de volonté, perverses, etc. 

Tous ces symptômes servent l'agresseur et desservent la victime car ils rendent la victime encore plus vulnérable et manipulable, l'isolent, la décrédibilisent à ses propres yeux et aux yeux de tous ses proches et de tous ceux qui la côtoient. Ils justifient à posteriori les violences faites (« elle est invivable, insupportable, incapable, folle .. », « le pauvre comment arrive-t-il à la supporter ? ») et inversent la culpabilité. Ils rendent souvent les secours et les aides moins efficaces (découragement), voire génèrent de nouvelles violences de la part de ceux qui devraient l'aider (famille, professionnels qui lui font la morale, la jugent, la rejettent, ne la croient pas, l'abandonnent...). Ils représentent un risque vital, un risque pour l'intégrité physique, psychologique, sociale, affective et personnelle, un risque de subir à nouveau des violences, d'avoir des conduites violentes. Seuls des secours, un soutien efficace et une prise en charge la plus précoce possible peuvent éviter ou atténuer ces conséquences.

L’IMPORTANCE DE LA COMPRÉHENSION DANS LE PROCESSUS DE CHANGEMENT ET DE GUÉRISON

Apprendre que leurs symptômes, leur souffrance, leur mal-être, leurs troubles du comportements sont des conséquences des violences, sont cohérents et normaux à la lumières des processus psychotraumatiques (MacFarlane, 2010), que ce ne sont pas elles qui sont folles, débiles, incapables, etc., est déjà très libérateur en soit. Les femmes victimes nous rapportent à quel point cela change tout pour elles. Soudain elles ont des clés qui leur permettent de comprendre ce qu’elles ressentent, d’expliquer des comportements qui sont en fait des stratégies de survie et de pouvoir en sortir, de ne plus être piégées par certaines réminiscences de leur mémoire traumatique qui leur imposent une pseudo-réalité, et de pouvoir faire le tri entre ce qu’elles sont et ce qui les colonise. 

Cette compréhension leur permet de renouer avec leur estime de soi, leur sentiment de dignité, d’unité, de cohérence et de sécurité intérieure, d’être moins vulnérable et de ne plus se sentir coupables. Voici un témoignage d’une victime : « Apprendre que les troubles physiques et psychiques qui me paniquaient étaient normaux fut une information extraordinaire. Comprendre comment fonctionnait l’intérieur de mon cerveau et de mon corps, avant et après les violences était inespéré. Ainsi je n’étais pas folle, c’était les violences physiques, psychologiques et sexuelles que j’avais subies qui provoquaient mes troubles, cela ne venait pas de moi, tout était normal. J’avais juste développé des mémoires traumatiques qui pouvaient être soignées, je pouvais donc guérir. »

Il est donc essentiel de donner toutes les informations et explications pour que la victime comprenne que :
- la violence sidère et paralyse le cerveau, donc c’est normal de ne pas avoir pu ni crier, ni se défendre, ni fuir ;
- la sidération empêche le cerveau de contrôler le stress qui devient tellement extrême qu’il représente un risque vital et que cela déclenche un mécanisme de sauvegarde exceptionnel qui déconnecte le circuit émotionnel et explique ces sentiments d’étrangeté, d’irréalité, de vide, d’être spectatrice, et qu’il s’agit d’un état de dissociation traumatique, accompagné d’un état d’anesthésie émotionnelle qui rend indifférente à tout, et ne permet pas de se défendre. Que cette dissociation traumatique peut s’installer de façon chronique si les violences sont continues, entraînant alors une tolérance à la douleur et au stress puisqu’on ne les ressent pas, et qu’elle va expliquer une certaine banalisation des violences, des doutes perpétuels sur la réalité de ce qui se passe, un sentiment d’imposture, et de fréquentes amnésies dissociatives ;
- la disjonction isole la structure responsable des réponses sensorielles et émotionnelles (l'amygdale cérébrale) de l'hippocampe (autre structure cérébrale, sorte de logiciel qui gère la mémoire et le repérage temporo-spatial : sans lui aucun souvenir ne peut être mémorisé, ni remémoré, ni temporalisé). Et que de ce fait, l’l'hippocampe ne peut pas faire son travail d'encodage et de stockage de la mémoire sensorielle et émotionnelle des violences, celle-ci reste piégée dans l'amygdale sans être traitée, ni transformée en mémoire autobiographique. Elle va rester hors temps, non-consciente, à l'identique, susceptible d'envahir le champ de la conscience et de refaire revivre la scène violente de façon hallucinatoire, comme une machine à remonter le temps, avec les mêmes sensations, les mêmes douleurs, les mêmes phrases entendues, les mêmes odeurs, les mêmes sentiments de détresse et de terreur (ce sont les flashbacks, les réminiscences, les cauchemars, les attaques de panique…). C'est cette mémoire piégée dans l’amygdale qui n’est pas devenue autobiographique qu'on appelle la mémoire traumatique (Salmona, 2012) ;
- la mémoire traumatique est au cœur de tous les troubles psychotraumatiques. Aussitôt qu’un lien, une situation, un affect ou une sensation rappelle les violences ou fait craindre qu’elles ne se reproduisent, la mémoire traumatique envahit alors tout l’espace psychique de la victime de façon incontrôlable. Comme une “bombe à retardement”, susceptible d’exploser, souvent des mois, voire de nombreuses années après les violences, elle transforme sa vie psychique en un terrain miné. Telle une “boîte noire”, elle contient non seulement le vécu émotionnel, sensoriel et douloureux de la victime, mais également tout ce qui se rapporte aux faits de violences, à leur contexte et à l’agresseur (ses mimiques, ses mises en scène, sa haine, son excitation, ses cris, ses paroles, son odeur, etc.). Cette mémoire traumatique des actes violents et de l’agresseur colonise la victime, et lui fera confondre ce qui vient d’elle avec ce qui vient des violences et de l’agresseur. La mémoire traumatique des paroles et de la mise en scène de l’agresseur [« Tu ne vaux rien, tout est de ta faute, tu as bien mérité ça, tu aimes ça», etc.] alimentera chez elle des sentiments de honte, de culpabilité et d’estime de soi catastrophique, et celle de la haine et de l’excitation perverse de l’agresseur pourront lui faire croire à tort que c’est elle qui les ressent, ce qui constituera une torture supplémentaire, elle n’aura alors que mépris et haine pour elle-même (Salmona, 2013b) ;
- la vie devient un enfer avec la mémoire traumatique, avec une sensation d’insécurité, de peur et de guerre permanente. Il leur faut une vigilance de chaque instant pour éviter les situations qui risquent de faire exploser cette mémoire traumatique. Des conduites d’évitement et de contrôle de l’environnement se mettent alors en place (phobies, TOC). Toute situation de stress est à éviter, il est impossible de relâcher sa vigilance, dormir devient extrêmement difficile. Mais c’est rarement suffisant, et pour éteindre à tout prix une mémoire traumatique qui «s’allume» ou pour prévenir son allumage, les victimes découvrent très tôt la possibilité de s’anesthésier émotionnellement grâce à des conduites dissociantes, c’est-à-dire à des conduites qui augmentent brutalement leur niveau de stress pour arriver coûte que coûte à sécréter suffisamment de drogues dures endogènes (pour disjoncter malgré l’accoutumance), ou des conduites qui renforcent l’effet des drogues endogènes grâce à une consommation de drogues exogènes (alcool, drogues, psychotropes à hautes doses). Ces conduites dissociantes sont des conduites à risques et de mises en danger : sur la route ou dans le sport, mises en danger sexuelles, jeux dangereux, consommation de produits stupéfiants et d’alcool, violences contre soi-même comme des auto-mutilations, ou contre autrui. Rapidement ces conduites dissociantes deviennent de véritables addictions. Ces conduites dissociantes sont incompréhensibles et paraissent paradoxales à tout le monde (à la victime, à ses proches, aux professionnels) et sont à l’origine chez la victime de sentiments de culpabilité et souvent de rejet par leur entourage (Salmona, 2012) ;
- la mémoire traumatique les hante, les exproprie et les empêche d’être elles-mêmes (van der Hart, 2010, Salmona, 2013b) pire, elle leur fait croire qu’elles sont doubles, triples, voire quintuples : une personne normale (ce qu’elles sont, leur vraie personnalité avec sa cohérence, ses désirs, ses projets), une personne traumatisée (la victime qu’elles ont été au moment de la /des agression-s, une personne terrorisé, perdue)  une personne absente, vide (celle qui est totalement déconnectée pour sur-vivre, absente à elle-même, envahie par le néant), une moins-que-rien qui a peur de tout, et une coupable dont elles ont honte et qui mérite la mort (celle que l’agresseur a désigné comme telle), une personne qui pourrait devenir violente et perverse et qu’il faut sans cesse contrôler, censurer (l’agresseur lui-même qui les colonise) ;
- elles peuvent paradoxalement se sentir « mieux » (en fait plus dissociées et anesthésiées, voir hypnotisées) avec leur conjoint violent que séparées de lui et penser à tort qu'elles l'ont dans la peau, qu'elles l'aiment, alors qu'elles sont en fait tellement terrorisées avec lui qu'un seul regard suffit à les dissocier et à les anesthésier. Se remettre avec un agresseur c'est échapper à sa mémoire traumatique par dissociation en se mettant en danger (Salmona, 2013a) ;
- que tous ces symptômes sont des conséquences normales et habituelles des situations de violences, elles ne sont pas dues à des caractéristiques intrinsèques de la victime, toutes les victimes de violences peuvent développer ces troubles (McFarlane, 2010).

COMPRENDRE QUE LES CONDUITES « PARADOXALES » SONT DES CONSÉQUENCES NORMALES DES VIOLENCES

Au total ces mécanismes neuro-biologiques de disjonction et leurs conséquences expliquent les symptômes psychotraumatiques et les troubles du comportement et des conduites des victimes qui paraissent souvent paradoxaux et totalement incompréhensibles à l'entourage, aux professionnels qui les prennent en charge et aux victimes elles-mêmes.

Ils permettent à la victime de comprendre la confusion, la désorientation, les troubles de la mémoire, les mises en danger, la tolérance, la minimisation et la banalisation de certaines violences du fait de la dissociation et de l'anesthésie émotionnelle liée à la disjonction dans lesquels elles se retrouve piégée.
La dissociation fait qu’elle sait intellectuellement que les violences sont graves mais elle n'a pas d'émotions qui puissent soutenir ce savoir donc elle doute, et inversement quand elle est angoissée, qu'elle fait des attaques de panique elle n'a pas les représentations intellectuelles pour faire un lien avec les violences, elle a du mal à se dire si je suis si mal, si j'ai tous ces symptômes, ces phobies, etc. c'est à cause des violences.

Son état de sidération psychique au moment des violences fait qu’elle est dans l'incapacité de contrer et de s'opposer intellectuellement aux injures, propos humiliants et rabaissants de l'auteur, les paroles dénigrantes vont être mémorisées telles quelles dans l'amygdale de façon traumatique et non consciente, ces propos vont revenir sans cesse dans sa tête et envahir sa pensées comme si c'était elle qui les produisait : "t'es nulle, t'es moche, t'es folle, t'es incapable, tu vaux rien, pauv'conne, salope, etc., mais aussi "tu aimes ça". Ces réminiscences qu'elle n'identifie pas comme telles vont la persuader qu'elle se pense comme n'ayant aucune valeur" (c'est ce que l'on peut appeler un lavage de cerveau).

Et des conduites paradoxales comme la dépendance au conjoint violent, les multiples échecs lors de la séparation avec des retours auprès du conjoint violent, les retraits de plaintes, le fait de ne pas arriver à dénoncer dans la durée le conjoint vis-à-vis duquel la victime développe une dépendance , voire même le fait de le protéger (syndrome de Stockholm) s’expliquent par le fait que la victime peut se sentir "mieux" (en fait plus dissociée et anesthésiée) avec l’ agresseur que mise à l'abri dans un premier temps (du fait de la mémoire traumatique et des réminiscences qui génèrent une grande détresse), elle peut alors renoncer à le quitter en pensant que la compulsion à se remettre en danger (conduite dissociante pour échapper à la mémoire traumatique) veut dire qu'elle l'a dans la peau, bien qu'elle soit consciente qu'il s'agit de la dernière chose à faire. Le savoir et pouvoir l’anticiper est une garantie de ne pas être piégée par ces processus, et de s’en protéger avec l’aide de professionnels avertis.

IDENTIFIER LES VIOLENCES ET DÉMONTER LA STRATÉGIE DE L’AGRESSEUR

Très souvent, les victimes, submergées par leur traumas et parasitées par le déni ambiant, ont beaucoup de mal à identifier toutes les violences subies. Leur état dissociatif fait qu’elles ont des doutes sur la réalité de ce qu’elles ont subi et sont amnésiques de nombreuses violences. Il est primordial de les rechercher, de penser à poser des questions sur toutes les violences qu’elles ont pu subir depuis leur enfance, en énumérant toutes les violences possibles (sans oublier ni les violences sexuelles qui sont non seulement très fréquentes, mais aussi  les plus traumatisantes, et que les victimes rapportent très rarement spontanément, ni les violences psychologiques), en les nommant et en en donnant les définitions pénales précises. Il est primordial de rappeler la loi et leurs droits aux victimes, et de leur dire que rien ne peut justifier ces violences.

Il s’agit ensuite de mettre le focus sur les stratégies et les mises en scène du conjoint violent. Et d’expliquer qu’ils connaissent bien, par expérience, les phénomènes psychotraumatiques dont ils profitent pour assurer leur emprise et disposer "d'esclaves" instrumentalisables à merci pour être dévoués à leur confort matériel, mental et physique. Le passé traumatique connu du conjoint peut  entraîner chez la victime un désir de l’aider et une raison de l’excuser. Il est alors important qu’elle puisse comprendre que ce n’est pas parce qu’il est aux prises avec une mémoire traumatique, qu’il a pas pour autant le droit d’instrumentaliser sa conjointe afin qu’elle gère à sa place les conduites d'évitement et pour pouvoir se dissocier grâce aux explosions de violence qu'il lui fait subir en l’utilisant comme un fusible, ce qui lui permet de s'anesthésier à ses dépens (la victime est leur drogue avec les mêmes phénomènes de dépendance, de tolérance et d'accoutumance qui font s'aggraver de plus en plus les violences : cycle de la violence). 

Et ces violences conjugales liées à des conduites dissociantes pour échapper à une mémoire traumatique (avec la sécrétion de drogues « dures » pour disjoncter ) deviennent des conduites addictives avec des phénomènes de dépendance et de tolérance qui entraînent une augmentation inexorable des violences. Il est essentiel que les femmes victimes de ces violences puissent comprendre les mécanismes en jeu, se désolidariser d'une histoire qui n'est pas la leur et refuser d'y jouer un rôle en renvoyant leur conjoint à une mémoire traumatique qui ne concerne qu'eux-mêmes et qu'ils doivent assumer et traiter autrement qu'en exerçant des violences sur elles, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire.

L'arme principale utilisée lors de violence psychologique est l'incohérence communicationnelle, incohérence au niveau des propos, des attitudes, des réactions, des comportements, des émotions, associée à la mise en place de tout un climat d'intimidation, de pression, de dénigrement, de critiques incessantes et d'humiliation. Cette incohérence et ce climat va rapidement déstabiliser la victime et entraîner chez elle une paralysie psychique, une grande confusion, une importante douleur morale et des stratégies de survie et d'évitement qui vont entraîner la détérioration de son image et un sentiment douloureux d'incompétence, que ce soit au niveau intellectuel, comportemental, relationnel, social et émotionnel, très culpabilisant. Ce processus transforme la victime en esclave soumise, robotisée, sous emprise à la merci de l'agresseur. Elle se retrouve prisonnière d'une véritable toile d'araignée dont les fils sont très difficiles à identifier, d'autant plus que la stratégie de l'agresseur est difficile à voir, celui-ci paraissant toujours soit avoir raison ou soit ne pas avoir fait exprès ou ne pas s'être rendu compte, ou ne pas avoir bien compris… son intentionnalité et la préméditation de ces actes n'étant pas perçus comme tels.

Les violences ont pour but : 
- de créer un climat d’insécurité physique et émotionnelle, voire de terreur par des conflits à tout propos, des intimidations, des menaces, des chantages, des sous entendus, une agressivité et une hostilité permanente, des colères, une intolérance à la moindre contrariété ou opposition, des attitudes dures et cruelles, un non respect de la vie familiale, des horaires, de la participation financière ;
- de créer un climat de contrainte, de contrôle et d’isolement par une surveillance continuelle (sorties, dépenses, fréquentations, habillement, etc.), des règles de vie imposées, un harcèlement, une séquestration, un non respect de l’intimité ;
- ,de créer un sentiment d’infériorité, de dévalorisation et d’humiliation par des dénigrements, des critiques et des paroles blessantes sur le physique, l’expression verbale, les capacités intellectuelles, le travail, les tâches domestiques, l’éducation des enfants, la sexualité), une indifférence, un mépris affiché ;
- de créer un climat de culpabilisation et de sentiment d’incompétence par des plaintes et des critiques continuelles, des exigences irréalistes, des attitudes de rejets, de frustration, de jalousie ;
- de créer un sentiment de confusion et de doute par des attitudes et des messages incohérents et contradictoires, des mensonges, des manipulations, des interprétations et des critiques injustes, des mises en scène, une non reconnaissance, une négation ou un mépris des besoins fondamentaux, des émotions, des sentiments et de la souffrance de la victime.

Ces violences reposent sur des impostures, des mensonges, des manipulations émotionnelles et des abus de pouvoir. Elles sont intentionnelles et sont mises en scène sous couvert d’amour (jalousie, contrôle, chantages, violences sexuelles), d’éducation, de sécurité, d’économie, de responsabilité, de nécessité pour faire pression, contraindre et soumettre. Elles sont toujours présentées comme étant dues à l’attitude de la victime, survenant par sa faute (tu m’as énervé, tu es insupportable, tu fais tout pour me mettre hors de moi, pour me contrarier, me frustrer, etc.), alors qu’elles sont «fabriquées» de toutes pièces pour les besoins de l’auteur qui peut s’autoriser ces mensonges grâce aux stéréotypes sexistes et aux inégalités tolérées par la société.

Il est indispensable que la victime prenne conscience que son conjoint sait que ces violences sont illégitimes, et qu’elles portent atteintes à ses droits et à sa dignité, mais qu’il peut se permettre dans le huis-clos familial de se comporter comme un tyran en toute impunité.

Ces violences psychologiques sont souvent présentes dès les premières rencontres mais elles sont noyées dans un climat de séduction. Elles sont repérées mais la conjointe ne s’autorise pas à en tenir compte du fait des stéréotypes sexistes véhiculés par la société (les hommes c’est comme ça ils sont maladroits, ils sont exigeants, ils ont des besoins sexuels, dans un couple il faut faire des concessions, les femmes sont plus sensibles et romantiques, c’est normal d’être au service de l’homme que l’on aime) et du fait qu’elle pense que ce n’est pas intentionnel (il ne se rend pas compte, il a souffert, je vais le changer, lui expliquer…), d’où l’importance de déconstruire ces fausses représentations.

Si rien n’est fait pour protéger et prendre en charge la victime, ces violences vont s’intensifier ensuite progressivement tissant une toile d’araignée autour de la victime au fur et à mesure de son engagement et des efforts qu’elle va déployer pour s’adapter aux situations de violence, les anticiper, les éviter, y survivre. La femme victime sera consciente des violences et de l’enfer qu’elle vit mais elle sera prise au piège car :
- ses analyses et ses émotions seront continuellement disqualifiées et niées par l’auteur (c’est pas si grave, tu exagères, c’est de la comédie, etc.) ;
- l’auteur entretient un sentiment de culpabilité et d’incompétence chez elle (t’es bonne à rien, tu me rends malheureux, t’es folle, tu ne vaux rien, personne ne voudra de toi, avec tout ce que j’ai fait pour toi, t’as vu comme tu es moche, etc.) qui l’empêche de penser que l’auteur n’a pas le droit de se conduire ainsi et qu’il le fait intentionnellement.

Comme nous l’avons vu les violences répétées seront à l’origine de troubles psychotraumatiques qui entraînent un état de dissociation et d’anesthésie émotionnelle qui vont l’empêcher de comprendre ses réactions et ses émotions : d’un côté elle sait qu’il s’agit de violences graves mais comme elle est coupée de ses émotions, elle doute ; de l’autre elle est submergée par des émotions qu’elle ne peut pas relier à des situations précises qui surviennent à l’improviste et qui lui font craindre d’être folle. Cet état de doute, d’incertitude, de confusion permet à l’auteur de mettre en place une emprise, de la manipuler et de lui dicter des émotions, de lui imposer des pensées et un rôle dans sa mise en scène.

CONCLUSION : REDONNER DU SENS POUR PERMETTRE LE CHANGEMENT

Alors que nous disposons depuis plus de 10 ans de toutes les connaissances nationales et internationales sur le sujet, la gravité des conséquences psychotraumatiques des violences conjugales (Black, 2011, OMS, 2014) fait toujours l'objet au mieux d'une méconnaissance, voire d'une sous-estimation et parfois même d’un déni, que ce soit auprès des professionnels et du grand public. Et l’immense majorité des femmes victimes de violences se retrouvent seules, abandonnées, sans reconnaissance des préjudices subis, ni de leurs conséquences, sans protection, ni soins adaptés, c’est à elles de survivre seules dans une grande souffrance et une insécurité totale, et de se protéger et se réparer comme elles peuvent. De plus, les stratégies de survie qu'elles sont dans l’obligation de développer, sont un facteur d’atteinte de l’estime de soi, d'exclusion, de pauvreté, et de vulnérabilité à de nouvelles violences et à des situations d’emprise. Sont en cause un déni et une loi du silence implacables qui s’imposent à elles ainsi que le manque de d’information sur l’impact des violences sur la santé, et de formation des professionnels qui ne sauront pas dépister les violences, ni rechercher, diagnostiquer, expliquer puis soigner les troubles psychotraumatiques (Salmona, 2013a).

Le but de la psychothérapie, que ce soit pour le psychothérapeute ou le patient, est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens. Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement, toute pensée, réaction, sensation incongrue doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l’éclairer par des liens qui permettent de le mettre en perspective avec les violences subies, et pouvoir ainsi le désamorcer (Foa, 2000, Salmona, 2012). Il s’agit, pour le patient, de devenir expert en gestion et en « déminage », et de poursuivre le travail seul, pour que la mémoire traumatique se décharge de plus en plus et que les conduites dissociantes ne soient plus nécessaires. La sensation de danger permanent s’apaise alors, et petit à petit il lui devient possible de sortir de la dissociation, de se décoloniser de la mémoire traumatique, de retrouver sa cohérence, de se réconcilier avec soi-même et d’arrêter de survivre pour vivre enfin en étant enfin lui-même.

Et il est essentiel de rassurer les victimes, de leur redonner une dignité en leur expliquant que les mécanismes des psychotraumatismes sont des réactions normales aux situations anormales que sont les violences, d'aider la victime à comprendre ce qui lui arrive, à se reconnaître comme victime, à comprendre qu'il est normal d'avoir des symptômes, à comprendre les mécanismes psychotraumatiques, à se déculpabiliser, à ne plus avoir honte et à pouvoir mieux lutter contre des conduites et des comportements dangereux. Démonter le système agresseur, identifier l'incohérence et la stratégie et l'intentionnalité à l'œuvre pour aider la victime à mieux se défendre, à dénoncer les violences, à ne plus être manipulée, à être lucide, à pouvoir anticiper les agressions et à ne plus être sous emprise.

La connaissance et la compréhension des mécanismes psychotraumatiques en jeu et de la stratégie de l’agresseur par la victime mais aussi par le thérapeute induisent un changement de paradigme libérateur qui permet à la victime de de sortir enfin d’un cercle vicieux infernal.

Dre Muriel Salmona

bibliographie :

Astin, Millie C Posttraumatic Stress Disorder and Childhood Abuse in Battered Women: Comparisons with Maritally Distressed Women. Journal of Consulting and Clinical Psychology, v63 n2 p308-12 Apr 1995

Black M. C. Intimate Partner Violence and Adverse Health Consequences Implications for Clinicians, MPH AMERICAN JOURNAL OF LIFESTYLE MEDICINE September/October 2011 vol. 5 no. 5 428-439

Breslau N., Davis G.C., Andreski P., Peterson E.L. — Traumatic events and posttraumatic stress disorder in an urban population of young adults. Arch. Gen. Psychiatry, 48, 216-222, 1991

Enquête Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, Salmona L., Association Mémoire Traumatique,  2015, téléchargeable sur le site stopaudeni.com et memoiretraumatique.org

Felitti VJ, Anda RF. The Relationship of Adverse Childhood Experiences to Adult Health, Well-being, Social Function, and Health Care. In Lanius R, Vermetten E, Pain C (eds.). The Effects of Early Life Trauma on Health and Disease: the Hidden Epidemic. Cambridge: Cambridge University Press, 2010.

Foa, E.B., & Keane, T.M., Friedman, M.J., (2000) editors. Effective treatments for PTSD: practice guidelines from the International Society for Traumatic Stress Studies. New York:Guilford Pres
Garcia-Moreno, C. et al. (2005) Prevalence of intimate partner violence: findings from the WHO (World Health Organisation) multi-country study on women's health and domestic violence, Lancet, 368, 1260
Louville P. et Salmona M. Traumatismes psychiques : conséquences cliniques et approche neurobiologique in dossier : Le traumatisme du viol dans la Revue Santé Mentale de mars 2013 n°176

Nemeroff, C.B., & Douglas, J., Bremner,  Foa, E. B.,  Mayberg, H.S., North, C.S.,  Stein, M.B. (2009). Posttraumatic Stress Disorder: A State-of-the-Science Review Influential Publications,  American Psychiatric Association, 7:254-273

Rauch, S.L., Shin, L.M., and Phelps, E.A. (2006). Neurocircuitry models of posttraumatic stress disorder and extinction: human neuroimaging research–past, present, and future. Biol. Psychiatry 60, 376–382.

Salmona M., La mémoire traumatique. In Kédia M, Sabouraud-Seguin A (eds.). L’aide-mémoire en psychotraumatologie. Paris : Dunod, 2008.

Salmona M., Mémoire traumatique et conduites dissociantes. In Coutanceau R, Smith J. Traumas et résilience. Dunod, 2012

Salmona M. Dissociation traumatique et troubles de la personnalité post-traumatiques. In Coutanceau R, Smith J (eds.). Les troubles de la personnalité en criminologie et en victimologie. Paris : Dunod, 2013, http://www.stopauxviolences.blogspot.fr/2013/04/nouvel-article-la-dissociation.html
Salmona M., Le livre noir des violences sexuelles, Paris, Dunod, 2013

Van der Hart O. and co. Le soi hanté, Paris, De Boeck, 2010

World Health Organization and London School of Hygiene and Tropical Medecine. Preventing intimate partner and sexual violence against women: Taking action and generating evidence Geneva: World Health Organization, 2010.
Worth Health Organization and London School of Hygiene and Tropical Medecine. Global report on Violence Prevention, 2014