samedi 11 avril 2015

À lire un nouveau témoignage de la campagne STOP AU DENI émoignage : Viol à l'école…


Violences sexuelles dans le cadre scolaire :

une contributrice témoigne pour notre campagne STOP AU DENI et dénonce les incohérences du discours éducatif : comment les enfants pourraient-ils considérer que leur corps leur appartient alors que de nombreux adultes persistent à vouloir conserver le “droit” de leur infliger des violences physiques dites “éducatives” ?!



Crédit photo : Shho 


Viol à l'école…

Je me souviens de mon enfance. Je me souviens bien quand je suis entrée à la grande école. J’avais déjà passé trois années heureuses en maternelle où j’avais appris, entre autre, à écrire avec ma main gauche. Je me souviens très bien quand subitement, au CP, tous les adultes me sont tombés dessus. Je devais, tout à coup, à la demande de mes parents, écrire de la main droite. Et aucun de mes deux parents ne s’est préoccupé de savoir comment j’allais apprendre à écrire de cette main maudite. 

Presque tous les jours, j’ai reçu des coups sur ma main, sur mon bras, mon épaule, mes cheveux, mon oreille, ma joue… gauches. Cette enseignante était très méchante. Elle collait souvent mes lèvres avec du scotch pour me fermer ma bouche parce que je parlais trop. Je savais déjà lire et j’écrivais très bien de ma main gauche. Je ne savais pas écrire de la main droite, je n’y arrivais pas et je voulais gagner des bons points pour bon travail en écriture, pour ma collection d’images. 

Et puis, il y a eu ce jour. La maitresse excédée, et moi, rangée, avec les autres dans le couloir. Je ne sais pas pourquoi tout à coup une main et des cris ont poussé mon corps dans cette pièce. Et la porte s’est refermée, sans claquer. Je suis là, debout, petite et perdue, seule, figée face à un homme assis derrière un bureau. Avance !! J’avance. Assied-toi!! Je m’assois, apeurée, sur une des deux chaises. Je ne sais pas qui il est. J’entends sa bouche parler de ma main gauche, écrire avec main droite, je dois, écrire avec l'autre main, ne comprends pas, gauche, droite, ne sais plus. Silence. Il se lève, contourne le bureau et s’approche. Lève-toi!! Il s’accroupit. Ecarte tes jambes!! Comme maman. Elle me fait mal quand elle me lave à cet endroit, mais qu’est-ce qu'il fait avec ses doigts, maman elle ne fait pas ça. Sa bouche souffle sur mon visage, souffle, mal, souffle, souffle, a griffé dedans, souffle, brûle en bas, souffle, transpercée, souffle. Tais-toi! Tu te tais !! Pas tomber, pas crier, pas pleurer. Se lève, s'essuie son doigt, regarde moi. Il sourit. Tu écris avec ta main droite!! Tu as compris?!! Larmes yeux, boule gorge, plus respirer. Tu retournes dans ta classe et tu te tais compris!! Ouvre porte, grand sourire. Sors, brouillard dans yeux, comprends pas. Sais plus, sais plus où est ma classe. Perdue dans un couloir, une dame m'a trouvée, m’a questionnée avec sa voix et sa main douces. Mal en bas, il m’a fait mal. M’a emmenée dans ma classe, répété à la maîtresse, est partie. Menteuse, tu mens, sale menteuse!! Me suis tue. Pendant des décennies.  

J’ai passé mon année de CP tel un fantôme dans la brume, souvent malade de la gorge, taisant les faits traumatisants, opérée des amygdales. En décembre, mon calvaire s’est terminé, les adultes ont abdiqués. Je suis toujours gauchère. A l’été mes parents ont déménagé.

Je me souviens de mon enfance avec mes deux parents. Gifles, fessées, cheveux et oreilles tirés, peau pincée ou mordue, tapes, enfermement dans la cave éteinte, dévalorisations, humiliations, manipulations, privations diverses, froideur et indifférence parfois, menaces, coups de poing, coups de pieds, coups avec objets. Et derrière chacune de ces violences physiques et psychiques, toujours l’intention de faire mal sur et dans mon corps de nourrisson, de petite enfant, d’adolescente future adulte.   

Vous souvenez-vous, il y a quelques semaines, des adultes hurlaient à nouveau, à cor et à grands cris, qu’ils voulaient conserver LEUR Droit de corriger les enfants, sur et dans leur corps. Ces adultes refusent d’accorder aux enfants le Droit à leur intégrité physique et psychique, à leur intégrité corporelle et morale. 
Et depuis quelques jours, depuis ces crimes effroyables dans ces quelques écoles de France, des adultes répètent: il faut dire aux enfants que leur corps est à eux, que leur corps leur appartient. 

Il m’a fallu plus de 35 années pour lever le brouillard qui s’est abattu sur mes yeux ce jour là,  pour savoir, pour intégrer dans ma mémoire, en quelle année et dans quelle région j’étais au CP. Et deux années de plus pour sortir de cette amnésie traumatique, pour trier, démonter, et comprendre la stratégie punition-viol utilisée. Aujourd’hui, je me perds encore dans les couloirs lorsque j’entre dans une école, je sens encore la tête de cet homme, là tout près, j’entends et je sens encore son souffle sur mon visage, je me sens encore transpercée, griffée dedans, j’ai mal. Je voudrais enfin pouvoir laisser sortir les larmes ravalées dans ma gorge ce jour-là, et je n’y arrive pas. Pas encore.

Dans ce pays, les enfants sont la seule catégorie d’êtres humains à ne pas avoir obtenu le Droit à leur intégrité physique et psychique. Les adultes veulent dire aux enfants que leur corps est à eux, qu’il leur appartient. Alors même que nombreux d’entre eux continuent à  lutter pour conserver leur Droit de correction. Comme si, corriger un enfant sur et dans son corps ce n’était pas, le déposséder de tout ou partie de son corps! 
Et les adultes voudraient aussi que les enfants parlent, qu’ils disent les violences qu’ils subissent. Alors même que les enfants ne sont pas informés sur ce que sont les violences. Et puis vous accorderiez votre confiance, vous, à des personnes qui vous font subir toutes ou partie des violences citées ci-dessus et qui veulent avoir le Droit de vous taper?

Les agresseurs-violeurs maintiennent souvent les enfants-victimes dans des confusions jeu-punition-menace-normalité avec des stratégies machiavéliques très difficiles, voire impossibles à démonter et à comprendre pour un enfant. Alors si leur corps est vraiment à eux, dans quelle logique les adultes continuent-ils à défendre leur Droit de taper les enfants, sur et dans leur corps? 
La cohérence entre les dires et les actes est un besoin fondamental pour les enfants, pour  comprendre les situations. 

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