mardi 18 juin 2013

Un article récent de Muriel Salmona sur Le Plus du Nouvel Observateur du 18 juin 3013 : Le cerveau des victimes de violences sexuelles serait modifié : ce n'est pas irréversible



Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie le 18 juin 2013,
édité par  Sébastien Billard   Auteur parrainé par Elsa Vigoureux






LE PLUS. Des modifications anatomiques de certaines aires du cerveau seraient observées chez les femmes ayant subi dans leur enfance des violences sexuelles. C'est la conclusion d'une étude publiée par l'"American Journal of Psychiatry". Comment expliquer ce processus ? Explications de Muriel Salmona, psychiatre spécialiste de psychotraumatologie.





Une étude récente menée par une équipe de chercheurs internationaux (allemands, américains et canadiens), et publiée début juin 2013 dans l'"American Journal of Psychiatry", a mis en évidence des modifications anatomiques visibles par IRM de certaines aires corticales du cerveau de femmes adultes ayant subi dans l’enfance des violences sexuelles.

Fait remarquable, ces aires corticales qui ont une épaisseur significativement diminuée par rapport à celles de femmes n’ayant pas subi de violences sont celles qui correspondent aux zones somato-sensorielles des parties du corps ayant été touchées lors des violences (zones génitales, anales, buccales, etc.). Et l’épaisseur de ces zones corticales est d’autant plus diminuée que les violences ont été plus graves (viols, plusieurs agresseurs,…).

Or les aires somato-sensorielles du cortex cérébral sont une véritable carte géographique du corps, elles permettent d’avoir une représentation du schéma corporel, et d’intégrer les informations sensorielles et kinesthésiques (position et mouvement dans l’espace) qui viennent des parties du corps concernées.

Comprendre les dysfonctionnements sexuels des victimes

Ces modifications peuvent-elles permettre de mieux comprendre les dysfonctionnements sexuels très fréquents que présentent les femmes victimes de violences sexuelles dans l’enfance :

- d’un côté une "hypo-sexualisation" : évitement phobique de contact sexuel, absence de sensation et d’excitation, anorgasmie, vaginisme, douleurs génitales

- et de l’autre une "hypersexualisation" : multiplication des partenaires, excitation inappropriée, conduites sexuelles compulsives, conduites à risque, abaissement du seuil de la douleur et risque prostitutionnel ?

Selon les auteurs, les modifications corticales pourraient être une adaptation du cerveau pour protéger la victime des effets traumatiques des violences.

Cette étude corrobore de nombreuses recherches cliniques et neuro-biologiques qui, depuis plus de dix ans, ont montré que l’impact des violences sexuelles chez les victimes est non seulement psychologique (avec des troubles psychotraumatiques très fréquents), mais également neuro-biologique, (avec des atteintes de circuits neurologiques et des perturbations endocriniennes des réponses au stress). (…) Pour lire la suite cliquez ICI




Article à la Une du Plus du Nouvel Obs le 18 juin 2013




jeudi 13 juin 2013

Article de la Dre Muriel Salmona sur la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences domestiques : un état d'urgence et un scandale de santé publique



La lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences domestiques  : un état d'urgence  et un scandale de santé publique

Dre Muriel Salmona, psychiatre spécialisé dans la prise en charge des victimes de violences, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, juin 2013



«Le gouvernement intensifie la lutte contre les violences faites aux femmes»  et «l’égalité entre les hommes et les femmes est une des grandes priorité du gouvernement» lit-on à la Une du site du ministère des Droits des femmes. "Il faut absolument faire reculer ces violences dans notre pays", "Un travail se fait déjà, mais nous voulons aller plus loin", il faut "d'abord libérer la parole des victimes", renchérit Jean-Marc Ayrault le 24 mai 2013 en dévoilant sa mesure phare de généralisation du téléphone «grand danger» et quelques autres mesures (ordonnance de protection étendue à 6 mois, l’encadrement strict de la médiation pénale uniquement à la demande expresse de la victime, nouvelles mesures sociales, formation des professionnels, etc.) du volet «lutter contre les violences faites aux femmes» de la loi cadre sur les droits des femmes qu’il présentera au conseil des ministres début juillet 2013. 

Ces mesures ont beau être des avancées, elles restent bien en deçà, comme nous allons le voir, des mesures d’urgence nécessaires que réclament les associations féministes et de lutte contre les violences pour réellement protéger les victimes, particulièrement les victimes de violences sexuelles qui restent toujours les grandes oubliées. 

Quelques jours auparavant, le 15 mai 213, Jean-Marc Ayrault a présenté à l’Assemblée Nationale un projet de loi pour ratifier la Convention d’Istambul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et de la violence domestique. Cette convention contraignante s’appliquera quand 10 états l’auront ratifiée (1) sur les 47 à l’avoir signée depuis mai 2011. Ira-t-elle plus loin ? 


Rappelons quel est l’état des lieux en France ?

Nos lois ne sont pas si imparfaites, même si beaucoup reste à faire, elles correspondent à peu de choses près aux exigences de la convention d’Istanbul  (3). Il n’empêche qu’une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint (148 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2012 et 26 hommes), et que seules 10% des femmes victimes de violences conjugales portent plainte. Le crime de viol est très rarement reconnu comme tel, les auteurs très peu poursuivis, et les victimes sont dans leur immense majorité abandonnées sans protection ni soins. Sur les 190 000 viols qui seraient commis par an, dont plus de la moitié sur des mineurs, seules 8% des victimes portent plainte (et moins de 2% en cas de viols conjugaux) et seuls 1,5 à 2 % des violeurs sont condamnés (2). Pourquoi ?

La presque totalité des victimes n’a pas recours à la justice et, ce qui est un comble, l’application de la loi est dramatiquement défaillante pour le peu qui portent plainte. 

L’absence de protection, de soutien et de soins aux victimes et l’impunité des auteurs de violences restent donc la règle comme je le dénonce dans Le livre noir des violences sexuelles (Dunod, 2013). Les violences envers les femmes sont encore trop souvent tolérées et considérées comme acceptables. La famille, le couple, la sexualité servent de prétexte à la conservation de zones de non-droit, soumises à la loi du plus fort, où toutes les atteintes à la dignité d’autrui et à son intégrité physique et psychique sont possibles et banalisées.

Et c’est une cascade d’injustices que subissent au jour le jour les victimes de ces violences   : 

Injustice d'être les victimes d’une violence criminelle commise par des agresseurs qui les piègent dans des scénarios absurdes ne les concernant en rien, et qui les soumettent par des menaces, des manipulations, des mensonges et des discours confusionnants à une implacable loi du silence. 

Injustice d'être victimes d'une société qui les expose de multiples façons : en créant un contexte inégalitaire sexiste, en véhiculant des stéréotypes qui permettent de maquiller la plupart des violences, en ne voulant rien savoir de leur gravité, ni de la haine ou de l’intentionnalité destructrice des agresseurs, et en ne mettant pas tous les moyens humains et politiques en œuvre pour les protéger et pour lutter contre les violences. 

Injustice d’être victimes de leur entourage qui ne veut ni voir, ni savoir, ni entendre, ni dénoncer ce qu'elles subissent dans l'intimité d'une famille, d'un couple, d'une relation, trop occupé à protéger une façade ou à s’anesthésier pour ne surtout pas se confronter à l’horreur de la situation.

Injustice d’être victimes de toute une maltraitance commise par des professionnels censés les accompagner qui ne les repèrent pas, souvent ne les croient pas, les culpabilisent, sous-estiment le danger qu'elles courent et les conséquences qu'elles subissent, et banalisent les violences, par manque de formation surtout, mais aussi par négligence et manque d'empathie, ou pire par complicité avec les agresseurs. 

Injustice désespérante de voir des agresseurs bénéficier le plus souvent d'une impunité totale, faute d'être dénoncés, mis en examen et déférés devant un tribunal ou d’être condamnés par une justice encore trop parasitée par de nombreuses idées reçues et qui méconnaît de nombreux indices et de nombreuses preuves médicales. 

Injustice de voir des procédures judiciaires interminables et souvent maltraitantes pour les victimes, les exposant à des expertises et à des confrontations traumatisantes, et de voir près de la moitié des viols déqualifiés en agressions sexuelles, échappant ainsi à la cour d’assise.

Injustice d’être celles qui se retrouvent à devoir organiser seules leur protection et leur survie avec de lourdes conséquences psychotraumatiques, condamnées à souffrir dans une solitude totale, sans soutien, ni soin (alors qu’ils sont efficaces), à devoir se battre et se justifier sans cesse, à supporter mépris, critiques et jugements, à entendre des discours moralisateurs pour des symptômes que personne ne pense à relier aux violences. 

Injustice d’être enfin victimes d’un processus d’inversion pervers insensé qui fait de la victime la coupable, celle qui a tout faux, qui n’a pas su se protéger, se défendre, celle qui devrait avoir honte d’être aussi nulle, aussi détruite, aussi faible…, celle pour qui personne n’a peur, personne n’est solidaire, celle qui a perdu toute valeur dans un monde où ce qui compte le plus c’est d’être en position de force.

Comment dans notre société de droit une telle impunité et une telle injustice et une telle indifférence sont-elles possibles ? 

La recette est simple et consiste en deux grandes manipulations : faire disparaître les victimes et les conséquences des violences sur leur intégrité physique et psychique, en les rendant invisibles ou illisibles : «pas de cadavres, pas de crimes !…» ; escamoter le droit, maquiller les violences pour faire croire qu’elles n’en sont pas, qu’elles sont juste des relations sexuelles consenties, ou des comportements sexuels justifiés par les attitudes de la victime : «tout va bien, circulez il n’y a rien à voir !…» 

Pour faire disparaitre les victimes, la loi du silence est de loin la plus  performante. Elle empêche les victimes de dénoncer les violences,  leur fait peur, leur fait croire qu’elles n’ont aucun droit, qu’elles ont moins de valeur que les agresseurs et  la famille, qu’elles ont mérité ces violences, et qu’être victime est une honte que l’on doit cacher. Elle les oblige à organiser elles-mêmes leur protection et à se dissocier et s’anesthésier pour survivre (ce qui est un facteur de doute et d’amnésie).

Pour faire disparaître les conséquences des violences, la non-reconnaissance des impacts physiques,psychotraumatiques, affectifs et sociaux des violences est également très efficace : les atteintes physiques ne sont pas rapportées à des violences et les traumatismes psychiques et la mémoire traumatique des violences ne sont pas identifiés alors qu’ils vont miner durablement la vie et la santé des victimes. Cette non-reconnaissance est surtout due à l’absence de formation des soignants (actuellement pour les médecins il n’y a aucune formation initiale et quasiment pas de formation continue en psychotraumatologie et victimologie). Il est rare que les médecins cherchent à savoir pourquoi une personne va mal, est dépressive, insomniaque, tente de se suicider, a des conduites addictives et à risque, est obèse ou anorexique, pourquoi une adolescente se retrouve enceinte, fait des fugues, se scarifie, etc., alors que ce sont des conséquences habituelles de ces violences. Ils ne questionnent pas leurs patient-e-s sur les violences qu’ils ont subies ou qu’ils subissent, et se contentent de traiter les symptômes et d’anesthésier la souffrance. De même la police et la justice vont considérer comme des éléments à charge pour les victimes symptômes psychotraumatiques comme la sidération, l'anesthésie émotionnelle, la dissociation, les troubles de la mémoire et les distorsions temporo-spatiales, pour lesquels ils leur demanderont de se justifier…

Pour maquiller les violences, la méconnaissance de la réalité des violences et de leur définition précise sont efficaces, elles rendent incrédules nombre de professionnels ou de proches face à une révélation, peu savent que les violences sont présentes dans tous les milieux sociaux, que 80% des viols sont commis par des proches de la victimes, que plus de 60% des viols sont commis sur des mineurs, qu’une pénétration sexuelle orale, anale, digitale ou avec un objet sont des viols, qu’une pénétration sexuelle sur une personne endormie, ou en grand état d’ébriété sont des viols, que l’alcool, la drogue, le fait d’être un conjoint sont des circonstances aggravantes… 

 De même les stéréotypes sexistes et les discours mystificateurs sont très efficaces pour escamoter les violences, en les présentant comme de l’amour, du désir, de la sexualité :  en sous-entendant avec une lecture pornographique des violences sexuelles que les femmes seraient consentantes pour les subir, voire les désireraient ; en disqualifiant quasi-systématiquement les rares victimes qui parlent ou qui portent plainte, les soupçonnant de mentir, d’exagérer, de vouloir se venger ; en déqualifiant de nombreux crimes de viol en harcèlement et atteintes sexuelles, en agressions sexuelles. 

Dans les mesures que présente le gouvernement pour lutter contre ces violences, on ne trouve malheureusement rien sur l’urgence de mettre en place des mesures de protection efficaces pour les victimes de viols, et d’agir contre l’impunité et contre la maltraitance judiciaire avec des protocoles protégeant les victimes. Rien non plus sur la nécessité de mettre en place une offre de soins adaptés, gratuits et accessibles pour toutes les victimes par des professionnels formés avec des centres de crise répartis sur tout le territoire, l’absence de soin étant un scandale de santé publique (4). 

Et la Convention d’Istanbul que propose-t-elle ? 

Pour la première fois en Europe, cette convention, considérée comme «norme d’excellence» par l’ONU-Femmes établit des normes juridiquement contraignantes de preuves, de procédures judiciaires, de délais de prescription, et des impératifs de diligence, d’information, de formation des professionnels, de soutien et de soins aux victimes, pour prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles (5), et la violence domestique et ses victimes de tout sexe et âge confondus (6), pour protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Dès ratification, les gouvernements seront contraints de réformer leurs lois, d’introduire des mesures pratiques et d’allouer des ressources pour prévenir et lutter efficacement contre ces violences (7). Un groupe d’expert indépendant (GREVIO) assurera le suivi de l’application de cette convention.

Peut-être est-il possible d’espérer, en attendant il est essentiel de continuer à lutter et à informer sans relâche.


1- dont huit membre du conseil de l’Europe. La France si la loi est votée sera le 5ème état à l’avoir ratifiée ;
2- cf les chiffres stables des enquêtes de victimation de ces dernières années de l’ONDEP) ;
3- mis à part «le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers» qu’un projet de loi prévoit d’ajouter au code pénal pour s’y conformer ; 
4- l’OMS l’a reconnu et de nombreuses études scientifiques l’ont démontré : avoir subi des violences était un des principaux déterminants de la santé même des dizaines d’années après, et fait courir un risque important de subir à nouveau des violences ou d’en exercer si des soins ne sont pas prodigués ;
5 - violence qui se définit comme une violence dirigée sur une femme parce qu’elle est une femme ou une fille de moins de 18 ans, ou qui affecte les femmes de manière disproportionnée ;
6- la violence qui se définit comme la violence à l’intérieur du couple et des familles, dirigée majoritairement sur les femmes mais également sur les hommes et les garçons, et sur les enfants qui en sont témoins.
7- cf le texte explicatif de la convention d’Istanbul.





Un article récent de Muriel Salmona sur Le Plus du Nouvel Observateur : 148 femmes tuées par leur conjoint en 2012 : les auteurs de violences restent impunis





Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie le 23 mai 2013,
édité par  Daphnée Leportois    Auteur parrainé par Elsa Vigoureux






LE PLUS. Un total de 174 personnes, dont 148 femmes, sont décédées en 2012, victimes de violences conjugales, a révélé un rapport du ministère de l'Intérieur le 8 juin 2013. Pour Muriel Salmona, psychiatre spécialiste de psychotraumatologie, les mesures annoncées pour lutter contre ces violences ne sont pas suffisantes : elles n'enrayent pas la loi du silence et du déni.

Alors que le gouvernement venait de faire part de sa volonté d’intensifier la lutte contre les violences faites aux femmes en présentant sa mesure-phare de généralisation du "téléphone grand danger", les chiffres 2012 de la Délégation aux victimes du ministère de l’Intérieur sur les morts violentes au sein du couple sont tombées samedi 8 juin 2013. Et ils sont accablants : 174 morts, 148 femmes et 26 hommes (soit une femme tous les deux jours et demi) avec une nette augmentation des décès par rapport à 2011 (26 femmes et 2 hommes en plus).

S’ajoutent à ces chiffres les 10% de femmes ayant subi des violences conjugales dans l’année qui précède, dont moins de 10% portent plainte ; les 190.000 viols commis par an (plus de la moitié sur des mineurs, près de 80% sur des femmes et des filles, 25.000 sur des femmes au sein du couple), dont seules 8% des victimes portent plainte (moins de 2% en cas de viols conjugaux et intra-familiaux) ; et seulement 20% des victimes de violences prises en charge (cf. les chiffres des enquêtes de victimation de l’ONDRP/Insee).

Déni des violences et impunité des agresseurs

Il est malheureusement évident que l’absence de protection, de soutien et de soins aux victimes, et l’impunité des auteurs de violences restent la règle, comme je le dénonce dans "Le livre noir des violences sexuelles" (Dunod, 2013).

Pourquoi toutes les lois, toutes les mesures déjà mises en place sont-elles si inefficaces ? C’est que pour protéger les victimes, les secourir, les soigner, faire respecter leurs droits et pour faire reculer les violences, il faut identifier les victimes et reconnaître les violences qu’elles subissent. Or c’est là que le bât blesse… (…) POUR LIRE LA SUITE CLIQUEZ ICI

lundi 3 juin 2013

Café littéraire le mercredi 12 juin à 18h30 organisé par le mouvement Ni Putes Ni Soumises AVEC Muriel Salmona pour parler de son livre : Le livre noir des violences sexuelles et le dédicacer


organise dans le cadre des Mercredi de la Mixité
un café littéraire le 12 juin à 18h30
dans leurs locaux 
au 70 rue des Rigoles Paris 20ème 
avec la Dre Muriel Salmona 
pour parler de son livre : 
édité chez Dunod
en présence des bénévoles du mouvement 
et de femmes victimes de violences