mercredi 9 mai 2012

L’indemnisation d’un enfant né d’un viol à caractère incestueux correctionnalisé : commentaires de V pour victime et La correctionnalisation du viol – la négation d’un crime







L’indemnisation d’un enfant né d’un viol à caractère incestueux correctionnalisé
V pour victime et La correctionnalisation du viol – la négation d’un crime s’associent pour commenter un arrêt qui nous intéresse sur deux aspects différents. Tout d’abord, une question de droit, sur laquelle la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est penchée et qui a donné lieu à deux arrêts de principe en date du 23 septembre 2010 (un seul arrêt sera étudié dans le cadre de ce développement). 
Ensuite, un aspect procédural car en lisant la décision de la Cour de cassation et l’historique de l’affaire, il nous est apparu que nous étions face à un exemple flagrant de correctionnalisation d’un viol.  
1) L’enfant né d’un viol est-il en droit de demander la réparation de son préjudice ?
De sens commun, il paraît indéniable de répondre à cette question de manière positive notamment parce que, entre autres conséquences désastreuses pour sa vie, l’enfant doit supporter le supplice que représente la manière dont il a été conçu. Enfant non voulu dont toute filiation paternelle est de fait déniée (même si en droit la filiation peut être établie sauf impossibilités énoncées par l’article 310-2 du code civil), chaque regard posé sur lui fait revivre le crime subi par sa mère. Cette naissance rajoute une nouvelle dimension à la multiple peine que vit déjà la victime qui est de devoir" se souvenir pour pouvoir dénoncer mais parce qu'elle est victime, elle doit vivre dans le déni pour pouvoir survivre !"(Maître Nathalie Reiter). Taire la violence c'est la refouler. Parler de la violence subie c'est aider la justice. Devoir se souvenir c'est revivre la violence. Dénier la violence c'est s'en sortir pour survivre. Lorsqu’un enfant est né, le déni n’existe plus, l’oubli est impossible. 
Mais d’un point de vue purement juridique, l’enfant est-il lui-même considéré comme étant la victime du viol (victime directe ou indirecte)? Peut-il se joindre à l’action exercée par sa mère et est-il en droit de prétendre à la réparation de son préjudice et sur quel fondement ?
La reconnaissance de son préjudice pourrait se heurter aux dispositions de l’article L.114-5 du code de l’action sociale et de la famille qui dispose dans son alinéa 1er que « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance », en d’autres termes, il est fait obstacle au droit de l’enfant de demander réparation lorsque la faute invoquée a eu pour seul effet de priver sa mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse. (CC 11 juin 2010, QPC n° 2010-2 considérant 6). 
Cet article du code de l’action sociale et de la famille, aux allures assez énigmatiques, a été adopté (issu de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, modifié par la Loi n°2005-102 du 11 février 2005 - art. 2 (M) JORF 12 février 2005)dans des conditions particulières à la suite du célèbre arrêt « Perruche » (Ass. Plen. 17 novembre 2000, Bull. n°9) par lequel la Cour suprême, prise en sa formation plénière, avait reconnu l’existence d’un lien de causalité entre la non détection d’une rubéole constitutive d’une faute médicale ayant empêché une mère d’avorter et le lourd handicap qui s’en était suivi reconnaissant le droit pour l’enfant d’être indemnisé. "Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme P... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues." En n’empêchant pas la survenance du dommage du fait de l’exécution défectueuse, le médecin et le laboratoire avaient engagés leur responsabilité permettant à l’enfant, personne tiers au contrat initial liant sa mère au laboratoire et au médecin, d’obtenir la réparation de son préjudice. Droit de ne pas naitre,  cette décision, confirmée à plusieurs reprises par la cour de cassation, avait entre autres ému le monde médical et les associations représentant la cause des personnes handicapées. Dans le compte rendu des auditions de la commission des lois du 18 décembre 2001, il est fait part notamment de « l’inquiétude face au raisonnement de la Cour de cassation selon lequel vivre handicapé constituait un préjudice plus grave que l’absence de vie, l’extension de cette logique pouvant conduire un médecin à ne pas sauver ses patients de peur que ces derniers puissent rester handicapés » (Jean Chérioux), « L'eugénisme « rampant » (...) n'est pas absent de l'idée selon laquelle il vaut mieux être avorté que de naître handicapé (...) » (Jerry Sainte-Rose). 
Pendant les débats devant le Sénat, une mise en garde du gouvernement avait été faite sur la rédaction initiale de ce qui allait devenir le futur article 114-5 alinéa 1er du code de l’action sociale et de la famille. L’article, tel qu’il était proposé initialement par M. Mattei, « risquait d’interdire les actions, aujourd’hui admises, d’enfants nés de viols ou d’inceste » car le législateur proposait la rédaction suivante: « Nul n’est recevable à demander une indemnisation du fait de sa naissance. » (http://www.senat.fr/rap/a01-175/a01-17512.html) L’objet du texte était d’empêcher une action en responsabilité d’un enfant contre ses parents qui porterait sur le fait d’être né. En revanche, cet article ne devait pas être interprété de manière extensive comme interdisant l’action en réparation du préjudice résultant des circonstances autour de la conception ou de la naissance. C’est dans ces conditions que le mot seul avait été rajouté. 
La présentation de l’article 114-5 alinéa 1er du code de l’action sociale et de la famille et des circonstances autour de son adoption nous permet de mieux situer l’espèce qui nous intéresse et qui fait l’objet aujourd’hui de notre commentaire.
Un homme a été mis en examen pour viol aggravé sur sa fille. Aux termes de l'article 222-23 du code pénal : " Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ". La peine encourue est de 15 ans de réclusion criminelle. Si le viol est dit aggravé, la peine encourue est de 20 ans de réclusion criminelle. Ici, il s’agissait d’une mise en examen pour viol commis « par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». De ce viol incestueux est né un enfant. Sa maman, la victime, s’est constituée partie civile pour elle mais également pour le compte de son fils mineur Kenzo.
L’affaire a finalement été jugée par un Tribunal correctionnel pour agression sexuelle sur personne vulnérable et non par une Cour d’Assises comme c’est le cas lorsque l’on est face à un crime puni d’une peine de réclusion criminelle (à ce propos, vous pouvez lire l’article suivant ). Le Tribunal correctionnel a fait droit à la demande de la victime en lui accordant des dommages intérêts pour la réparation du préjudice moral, mais a rejeté la constitution de partie civile formulée au nom de son fils Kenzo en ce qu’il ne pouvait être allégué « d’un préjudice résultant seulement de sa naissance ». Le tribunal a estimé que l’enfant n’était pas la victime directe de l’infraction subie par sa mère. 
Pour rejeter la demande, le tribunal se fonde notamment sur les dispositions du code de procédure pénale qui dispose que « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction » (article 2 du code de procédure civile). Il n’est possible de se constituer partie civile qu’à la condition d’être la victime d’un préjudice direct et personnel découlant de l’infraction poursuivie.
La maman de l’enfant, victime directe de l’agression sexuelle/viol perpétré par son père, a interjeté appel du jugement. La cour d’appel a condamné le prévenu à verser la somme de 10.000 euros de dommage-intérêts en réparation du préjudice moral subi par l’enfant, distinct de celui résultant de sa naissance. Les juges du second degré ont estimé que le préjudice résultait d’une part « du traumatisme lié à la connaissance des faits » entourant sa naissance et « des difficultés à se construire en raison de sa filiation incestueuse », d’autre part « de l’impossibilité de faire établir son lien de filiation paternelle » car l’article 310-2 du code civil l’interdit (« S'il existe entre les père et mère de l'enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque moyen que ce soit »).
A la suite de cet arrêt de la Cour d’appel, le prévenu s’est pourvu en cassation au motif que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance et donc sa conception ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 114-5 du code l'action sociale et des familles tel qu'issu de l'article 4 de la loi du 4 mars 2002 ».
Dans un arrêt du 23 septembre 2010 (pourvoi n°09-84108 : Bull. crim, n°141) la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel d’avoir admis l'existence d'un préjudice réparable subi par l'enfant car « le préjudice indemnisé, en l'espèce, ne résulte pas de la seule naissance de l'enfant et l'action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite ».
2) La correctionnalisation d’un viol :
Un autre argument était soulevé par le moyen de cassation. Dans la mesure ou le prévenu « avait été poursuivi et condamné non pas du chef de viol, mais du seul chef d'agression sexuelle sur la personne de Mme X... ; qu'en réparant néanmoins le préjudice prétendument subi par Kenzo X...-Y..., fils de Mme X... "du fait du viol de sa mère", la cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale ». 
En l’espèce le viol n’a pas été reconnu, le Tribunal correctionnel a jugé l’auteur pour des agressions sexuelles aggravées. 
Madame X a été violée (inceste) par son père à plusieurs reprises. De cet inceste répété est un né un enfant. Toutes les preuves sont réunies dans le sens d’un viol jusqu’à la preuve vivante que constitue la naissance de cet enfant. Pourtant l’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel qui aura à juger des agressions sexuelles et non des viols. Il ne pourrait en être autrement, le Tribunal correctionnel n’a pas compétence pour juger des crimes, les crimes étant de la compétence exclusive de la Cour d’Assises. 
Comment l’enfant pourrait-il avoir subit un dommage dès lors que le viol n’a pas été reconnu par la justice ? C’est le sens du moyen soulevé par le demandeur renvoyant ainsi la justice à sa propre contradiction : vous n’avez pas jugé un viol, mais des agressions sexuelles  alors comment voulez-vous que d’une infraction, agression sexuelle, ne comportant pas, par définition , de pénétration puisse naître un enfant.
En effet, l’article 2 du code de procédure pénale stipule que « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. » Le viol n’ayant pas été reconnu, puisque l’auteur n’a pas été jugé pour viol, mais pour agressions sexuelles, l’enfant ne pouvait pas prétendre être né d’un viol et par voie de conséquence ne pouvait prétendre à indemnisation.
Cet argument  n’est pas entendu par la Cour de Cassation, qui rappelle que le Tribunal correctionnel a statué dans les conditions prévues par l’article 469 al 4. Faut-il le rappeler la loi du 9 mars 2004 Perben II a légalisé la correctionnalisation des crimes en délits. L’article 469 al 4 auquel la Cour de Cassation fait référence prévoit que le tribunal correctionnel « Lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction, le tribunal correctionnel ne peut pas faire application, d'office ou à la demande des parties, des dispositions du premier alinéa, si la victime était constituée partie civile et était assistée d'un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné. » (L’alinéa 1er donne la possibilité au tribunal correctionnel de renvoyer « le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera » lorsque le délit est de nature à entraîner une peine criminelle). La loi interdit donc au Tribunal correctionnel de relever sa propre incompétence comme il en aurait eu la possibilité avant la Loi Perben II.
En effet, la chambre criminelle s’était prononcée à de nombreuses reprises sur l’illégalité de la correctionnalisation dans la mesure où cette pratique méconnaît la compétence matérielle des juridictions en vertu de laquelle les crimes sont jugés par la Cour d’Assises et non par le Tribunal correctionnel. Ainsi, le Tribunal correctionnel pouvait se déclarer incompétent à juger des faits de viol. La loi Perben leur a retiré cette possibilité (c’est en ce sens que nous pouvons parler de légalisation de la correctionnalisation)  dès lors que la victime qui constituée partie civile, est assistée d’un avocat, n’a pas fait appel de l’ordonnance de renvoi, le tribunal correctionnel n’a pas d’autre choix que de juger les faits de viol préalablement « disqualifiés » en agression sexuelle. 
Dans l’espèce commentée, la Cour de cassation dit bien que le Tribunal correctionnel n’avait pas d’autre choix que d’appliquer la loi. Pour autant elle considère que le tribunal correctionnel a constaté les « rapports sexuels » et qu’un enfant était né de ces relations « incestueuses » autrement dit un viol, même plusieurs, commis par le père sur sa fille. Contrairement au viol, l’agression sexuelle n’induit pas de pénétration. Le juge pour transformer les faits de viol en agression sexuelle, écarte la pénétration, faisant comme si elle n’avait jamais existé. 
Je fais souvent une comparaison avec une autre infraction, beaucoup moins grave que celle-ci, la violation de domicile : imaginez que votre domicile a été l’objet d’une violation. Cette violation a lieu à la  suite d’une effraction. Votre domicile a été fouillé, des effets ont pu être volés et pourtant la justice va vous dire que non, le délinquant n’a pas forcé la serrure, n’a pas pénétré dans votre domicile, n’a pas fouillé etc., Il serait resté devant la porte. La correctionnalisation est en cela une négation pure et simple de ce que vous avez vécu : il n’y a pas eu pénétration par effraction et toutes les conséquences qu’emporte cette effraction sont niées… Devant le Tribunal correctionnel, les faits de viol sont ignorés, le tribunal ne doit donc pas juger le viol mais l’agression sexuelle… Alors comment le Tribunal correctionnel  pouvait-il  avoir fait ces constations puisque les faits qu’il avait à juger ne pouvaient pas être des faits de viols mais d’agression sexuelle. Comment pouvait-il dans cette affaire ignorer la pénétration, les pénétrations, puisqu’un enfant est né, sauf à croire qu’il est l’enfant du saint Esprit !  La correctionnalisation est toujours une négation de la réalité… Ici elle est poussée à son paroxysme : ce n’est pas seulement la pénétration (les pénétrations) qui est écartée, mais aussi un enfant. Il n’existe pas puisque le viol n’existe pas … Rien n’arrête le juge instructeur dans sa négation de la vérité, pas même l’enfant né du crime… la Cour de cassation pose implicitement des limites à l’application de l’article 469 al.4 du code de procédure pénale. Le tribunal correctionnel, s’il est obligé de respecter la loi sur le plan pénal, n’est pas tenu de prolonger la fiction juridique jusqu’à nier l’enfant né d’un viol. Par souci d’équité elle lui attribut une indemnisation.
Comme si les faits n’étaient pas d’une extrême gravité, l’auteur est en état de « récidive », la Cour de cassation précise en effet que Monsieur X a été condamné à 6 ans d’emprisonnement pour « agressions sexuelles aggravées en récidive ». L’auteur n’en était pas à son premier « délit », il avait déjà été condamné pour « agressions sexuelles ». S’agissait-il seulement d’agressions sexuelles où était-ce déjà des viols disqualifiés en agressions sexuelles ?  Impossible à savoir… Nous pouvons seulement noter que la récidive ne freine pas non plus le juge dans sa quête de correctionnalisation. 
Il convient de préciser que si ce Monsieur récidive une nouvelle fois, que s’il commet à nouveau un viol et que l’affaire est enfin renvoyée devant la Cour d’Assises (le viol étant un crime), il ne sera pas considéré en état de récidive puisqu’il ne s’agira pas de la même infraction. La loi sur la récidive ne lui sera donc pas appliquée puisque que pour la Cour d’Assises l’auteur en sera à son premier viol.
Pour aller plus loin sur la question de la correctionnalisation, vous pouvez lire cet article ou encore cet article.  
Pour aller plus loin: 

Références 
A lire :
Texte intégral de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 septembre 2010 commenté supra (pourvoi n° 09-84108, Bull. crim. N°141) :
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : 
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Dominique X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2009, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 486, 512 et 513 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, rendu sur les intérêts civils, mentionne que les débats ont eu lieu à l'audience publique du 18 mars 2009, en présence du greffier, le "ministère public ayant été régulièrement avisé";
"alors que le ministère public étant partie intégrante et nécessaire des juridictions répressives, doit être présent aux débats, même si ceux-ci sont exclusivement consacrés à l'action civile ; que l'arrêt attaqué, qui ne constate pas que le ministère public a été présent aux débats, a été rendu en violation des textes susvisés" ;
Attendu qu' il résulte de l'article 464, alinéa 3, du code de procédure pénale que la présence du ministère public n'est pas obligatoire lorsque le débat ne porte plus que sur les intérêts civils ; 
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Dominique X... à payer à Mme X..., agissant ès qualités de représentant légal de son fils mineur Kenzo, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi par ce dernier ;
"aux motifs que, sur la recevabilité de la constitution de partie civile formée par Mme X... au nom de son fils mineur Kenzo X...-Y..., le tribunal correctionnel a déclaré cette constitution de partie civile, recevable dans un premier temps, puis irrecevable au motif que le préjudice allégué résulte seulement de sa naissance et que Kenzo n'est pas une victime directe de l'infraction ; que Kenzo X...-Y... subit un préjudice distinct du seul fait qu'il est issu d'un inceste, Kenzo est issu d'un viol ; que, par conséquent, les circonstances de sa conception (viol) justifient réparation du traumatisme lié à la connaissance que le jeune Kenzo aura de ces faits en grandissant, et aux difficultés qu'il rencontrera à se construire en raison de sa filiation incestueuse ; que Kenzo X...-Y..., issu d'un viol incestueux se trouve du fait de la loi, dans l'impossibilité de faire établir son lien de filiation paternelle ; qu'il est donc définitivement privé du droit d'établir sa véritable filiation ; que cet enfant, personne dès sa conception, car né vivant et viable, a subi un dommage du fait même de cette conception, ce, dans la mesure où sa filiation paternelle ne pourra jamais être établie par application des dispositions de l'article 310-2 du code civil ; qu'il est donc certain que Kenzo X...-Y... subit divers préjudice directs et personnels du fait du viol de sa mère et que ces préjudices ne s'analysent pas comme des préjudices résultant seulement de sa naissance ; que le jugement du tribunal correctionnel sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Kenzo X...-Y... ; que le mineur Kenzo X...-Y..., représenté par sa mère, Mme X... sera déclaré recevable en sa constitution de partie civile et la somme de 10 000 euros lui sera allouée, en réparation de ses préjudices moraux, étant précisé que cette somme sera gérée sous le contrôle du juge des tutelles ;
"1°) alors que M. X... avait été poursuivi et condamné non pas du chef de viol, mais du seul chef d'agression sexuelle sur la personne de Mme X... ; qu'en réparant néanmoins le préjudice prétendument subi par Kenzo X...-Y..., fils de Mme X... "du fait du viol de sa mère", la cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale ;
"2°) alors qu' en toute hypothèse, nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance et donc sa conception ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 114-5 du code l'action sociale et des familles tel qu'issu de l'article 4 de la loi du 4 mars 2002" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement du 21 août 2008, le tribunal correctionnel d'Angers, statuant dans les conditions prévues par l'article 469, alinéa 4, du code de procédure pénale, a condamné M. X... à six ans d'emprisonnement pour agressions sexuelles aggravées en récidive, après avoir constaté qu'il avait imposé à sa fille, Mme X..., des rapports sexuels et qu'un enfant, Kenzo X..., était né de ces relations incestueuses ; que, sur l'action civile, les juges du premier degré ont notamment déclarées irrecevables les demandes formées par Mme X... en qualité de représentante légale de son fils mineur, aux motifs que l'enfant ne pouvait alléguer d'un préjudice résultant uniquement de sa naissance et qu'il n'était pas la victime directe de l'infraction ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'action de Mme X..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur Kenzo et condamner M. X... à réparer le préjudice moral de l'enfant, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, aux termes de l'article 3 du code de procédure pénale, l'action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite, d'autre part, le préjudice indemnisé, en l'espèce, ne résulte pas de la seule naissance de l'enfant, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, Mme Lazerges conseiller rapporteur, Mme Chanet, MM. Blondet, Palisse, Mme Ponroy, MM. Le Corroller, Dulin, Rognon, Mme Nocquet, MM. Beauvais, Straehli conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Laurent, conseillers référendaires, M. Maziau, conseiller référendaire stagiaire ayant prêté serment ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
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Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers du 13 mai 2009

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