samedi 26 novembre 2011

article de Sandrine Goldschmidt : Les enjeux du traitement judiciaire du viol



Les enjeux du traitement judiciaire du viol


Article de Sandrine Goldschmidt

paru le 26 novembre 2011sur son blog :

À dire d'elles


Dans son dernier livre, Delphine de Vigan raconte l’histoire de sa mère. Elle écrit ceci, après avoir relaté que sa mère a, alors qu’elle même avait environ 10 ans, quelques semaines plus tôt envoyé une lettre à tous les membres de sa famille, filles comprises, où elle révèle que son propre père, l’a violée lorsqu’elle avait 16 ans.

« Pourtant, il ne se passe rien. Nous continons d’aller de temps en temps en week-end à Pierremont, personne ne chasse mon grand-père avec un balai, personne ne lui défonce la gueule sur les marches de l’escalier, ma mère elle-même parle avec son père et ne lui crache pas au visage ».

Un peu plus loin : « quelques mois plus tard, Lucile s’est rétractée. » On apprend ensuite que Lucile -c’est le nom de la mère, s’est tatoué sur le poignet une montre fixée à l’heure de 10h10, celle où son père lui a fait prendre un somnifère pour abuser d’elle.

Enfin, ces mots, écrits par sa fille, des années plus tard : « Et si, incapable de le dire et de l’écrire, Lucile s’était heurtée à un tabou plus profond encore, celui de son état de conscience ? Et si Lucile ne s’était pas évanouie, quoi que tétanisée par la peur, et que Georges avait abusé de son pouvoir , de son emprise, pour la soumettre à son désir, la convaincre d’y céder ?Ensuite, la honte aurait distillé son venin et interdit toute parole, sauf à être travestie. Ensuite, la honte aurait creusé le lit du désespoir et du dégoût ».

Quelques semaines après la révélation des faits à sa famille -restée lettre morte- Lucile a sa première crise de démence. Elle en aura d’autres, et finira par perdre la capacité de travailler, d’avoir la garde de ses filles, et beaucoup plus tard, se suicidera.

Hier, lors du débat à la mairie du 3ème sur les enjeux du traitement judiciaire des violences sexuelles, une magistrate italienne a raconté l’histoire de Lucrèce, qui, violée, en subit toute la honte, et est se tue. Le viol de Lucrèce par Sextus Tarquin est un épisode de l’histoire de Rome, rapporté par Tite-Live, qui marque l’instauration de la république romaine. Le crime a été révélé et reconnu, mais pour se sauver de la honte, la femme s’est suicidée.

Ces deux histoires à elles seules résument tous les enjeux. Comment faire que la victime ne soit pas la coupable ? Que la honte « change de camp », que la société n’abandonne pas les victimes -les femmes, à des troubles psycho-traumatiques qui les empêchent de vivre et les font adopter des conduites à risque ? Comment faire que la mort ne soit pas la seule issue ou plutôt impasse (dead end en anglais) pour que le crime de viol soit reconnu ?

Ces histoires issues de la réalité, sont confirmées par les chiffres.

Selon des études nombreuses, on arrive à estimer le chiffre du nombre de viols commis chaque année sur des femmes et filles autour de 100 à 120.000. Plus de la moitié des viols commis le sont avant lâge de 18 ans. Et la moyenne des viols sur mineures se situe entre 9 et 12 ans. 12.000 plaintes ont été déposées en un an selon les derniers chiffres. C’est-à-dire que plus de 100.000 ne l’ont pas été. Elles donnent lieu à 3% de condamnations. 1.200 condamnations pour viol. 1% des crimes commis.. 99%, soit environ 100.000 à 118.000 n’ont pas été punis.

80% des viols sont commis par l’entourage. Ils sont le fait de tous les milieux sociaux et toutes les catégories socio-professionnelles. Pourtant, les hommes -qui sont 95% des auteurs de violence- qui se retrouvent en prison sont le plus souvent de catégories dites défavorisées ou d’origine étrangère. A côté de cela, les femmes les plus victimes de viol « extérieur », comme on appelle les viols non commis par un proche, sont les femmes pauvres et les femmes d’origine étrangère.

Ces chiffres nous montrent que le viol est le « crime parfait ». Celui où l’impunité -en particulier des hommes « insoupçonnables » (blancs de catégories sociales favorisées, ou les « bons pères de familles), comme les appelle Lola Lafon, est quasi garantie.

Les sympômes de choc post-traumatique : 80% des victimes de viols, 100% de personnes prostituées, 60% des victimes d’agression sexuelle les subissent, pour une moyenne globale de 24% des victimes de traumatisme en général). Ils se caractérisent par un risque beaucoup plus fort de conduites à risque à l’âge adulte, toxicomanie, alcoolisme, anorexie/boulimie, tentatives de suicide, prostitution qui peuvent la plupart du temps (100% des cas pour les personnes prostituées), lorsque la question est posée, être reliées à des violences sexuelles dans l’enfance ou l’adolescence.

Dernière série de chiffres : que se passerait-il si 100 % des plaintes étaient prises en compte : voici les estimations faites par un-e blogueur-se. Ce ne sont pas des chiffres à prendre à la lettre, mais un ordre de grandeur.

Aujourd’hui, alors que le crime de viol a été reconnu (dans les faits, il l’était déjà théoriquement) en 1980 après une longue lutte des féministes, 50% des viols sont décriminalisés, c’est-à-dire que par souci d’efficacité de la justice (c’est la version officielle), on ne fait pas de procès d’assise, plus long, mais un procès correctionnel, c’est-à-dire qu’on transforme le viol en agression sexuelle. Les peines encourues ne sont pas du tout les mêmes.

On estime que si ces crimes n’étaient pas correctionnalisés, cela provoquerait une augmentation de 11% de la population carcérale.

- les auteurs d’infractions sexuelles représentent 15% de la population carcérale,
- la durée moyenne d’emprisonnement effectif est de 5 ans pour les viols et de 1 an pour les agressions sexuelles.

Si les agresseurs sexuels majeurs étaient jugés avec le même degré moyen d’indulgence que les violeurs, les peines effectuées seraient alors de 2 ans et 4 mois (chiffre obtenu en divisant la peine prononcé par le facteur 1.7 précédemment calculé). Cela provoquerait une augmentation carcérale de 7%. (vous pouvez lire
le détail de la démonstration ici).

Enfin, si toutes les victimes portaient plainte, cela pourrait aller jusqu’à quadrupler la population carcérale et multiplier par 10 le nombre de procès d’assises.

Comment faire que ce crime massif envers les femmes et les enfants, donc envers la société ne reste pas impuni ?

Comment faire pour que la victime ne soit plus la coupable, enfermée non seulement dans des symptômes post-traumatiques , mais aussi dans le silence ?

Comment faire pour que l’institution judiciaire, qui aujourd’hui dispose de lois dispose aussi des outils référentiels pour comprendre qu’elle est en face d’un crime de masse ?

Comment faire pour qu’une fois ceci révélé, l’institution judiciaire ne soit pas emportée par l’explosion de la population carcérale ?

Quelles sont les solutions ?

-

judiciaires : il faut revoir la loi en matière de harcèlement, d’agression sexuelle et de viol. Arrêter de correctionnaliser les viols, appliquer l’impossibilité de dénonciation calomnieuse après un non lieu, prendre au sérieux les affaires. Il faut aussi probablement créer un crime de féminicide et d’atteinte au droit de l’enfant à se développer, crimes qui pourraient être jugés à part.

Comme l’a fort justement dit un officier de police du 3ème arrondissement de Paris qui a une grande expérience de l’accueil des victimes, il serait très intéressant de créer au niveau de la police un accueil spécifique pour toutes les violences sexuelles, comme c’est le cas pour la brigade des mineur-es. Cela pourait éviter par exemple qu’il soit impossible de déposer plainte le week-end, de devoir montrer patte blanche pour déposer plainte en région la nuit, pour que les victimes n’aient pas à déposer plainte sous le regard de nombreuses personnes non préparées à entendre ce qu’elles ont à dire. Cela permettait aussi que tous les personnels qui accueillent les victimes soient formés.

Côté justice et tribunaux, il faut les désengorger. Limitons donc les peines et les condamnations pour délits mineurs, et donnons des moyens aux assises. Tous ceux qui constituent des atteintes aux biens, laissons les aux TGI. Les atteintes graves aux personnes, doivent elles aller aux assises !

Mais si l’on imagine bien que le système n’est pas en mesure d’absorber une telle augmentation de son activité, il faut aussi et c’est fondamental, faire de la formation et de la prévention, apprendre à toutes les institutions et à l’ensemble de la population à repérer, croire et prévenir les violences.

On m’a raconté rcemment qu’alors qu’une femme hurlait, visiblement victime de violences, la police ayant été appelée par les voisins, il avait été répondu qu’ils ne pouvaient pas intervenir, parce qu’ils ne pouvaient pas savoir s’il y avait urgence. La femme a fini défenestrée.

Il faut donc qu’une femme qui crie, et que des voisins qui alertent, cela soit considéré comme une urgence. Il faut que comme au Québec, par exemple, des moyens soient donnés pour l’information de tous les personnels amenés à détecter et protéger les femmes et les enfants de la violence.

Les violences sexuelles et conjugales sont tues, mais il y a des symptômes, des signaux d’alerte. Il faut les diffuser. Dans tous les commissariats où il y a eu sensibilisation, il y a eu accueil différent des victimes. L’ensemble de la population doit les connaître. Pour cela, on peut par exemple utiliser le livret édité par les associations Le monde à travers un regard et mémoire traumatique et victimologie

Ecouter, libérer la parole, rappeler la loi, dépister les troubles psycho-traumatologiques, expliquer les mécanismes à l’oeuvre, accompagner, soutenir, orienter, travailler en réseau, prévenir.

Enfin, il faut arrêter d’affirmer qu’on est dans le « parole contre parole ». Quand une femme dit avoir été agressée sexuellement, il n’y a pas de raison a priori de ne pas la croire. Selon les études sérieuses, moins de 3% de fausses allégations existent. Plus de 22% des victimes se rétractent après avoir porté plainte. A cause de la honte et du fait qu‘on fait de la victime la coupable.

Il faut enfin dire, rappeler et appliquer que le présumé consentement n’existe pas. Et réfléchir à la notion de présumé non-consentement. Qui exigerait que le désir sexuel ne soit pas considérer comme un dû, mais comme un partage dont la réciprocité doit être confirmée avant tout passage à l’acte.

Sandrine GOLDSCHMIDT

lundi 21 novembre 2011

Intervention de la Dre Muriel Salmona au Colloque Violé-e Croire-savoir, Savoir-croire à Châteauroux le 28 novembre 2011



Colloque à Châteauroux le 28 novembre 2011
Salle Edith Piaf
rue Edith Piaf

Organisé par le collectif contre les violences faites aux femmes, dans le cadre de

la journée internationale pour l’éradication des violences envers les femmes.


Violé-e,

Croire-savoir, Savoir-croire



Programme de la journée :


9h : Allocutions d’accueil


Mme Thérèse DELRIEU, présidente du Centre d’Information

sur les Droits des Femmes et des Familles.

M. Xavier PÉNEAU préfet de l’Indre,

M. Jean Marc MAJERES, dir. de la cohésion sociale et de la

protection des populations.


9h30 : Le viol, de quoi, de qui, parle-t-on ?


M. Christian MERCURI, procureur de la République

Cadre juridique global— évolution de la politique pénale — données statistiques

du département — Les éléments-clés pour l’engagement des poursuites et

l’aboutissement d’un procès.


9h45: Mémoire traumatique et conduites dissociantes



Dr Muriel SALMONA, psychiatre, psychotraumatologue

,

responsable de l'Antenne de l'Institut de Victimologie à Bourg la

Reine (92), présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie


La mémoire traumatique, trouble de la mémoire émotionnelle, est une conséquence

des violences les plus graves. Elle se traduit par des réminiscences qui envahissent la conscience

et font revivre à l’identique, avec la même intensité, tout ou partie du traumatisme. Ses mécanismes

neuro-biologiques et neuro-physiologiques commencent depuis quelques années à

être bien connus. Ils éclairent les symptômes et les troubles psychiques, difficiles à comprendre

chez les victimes, comme les troubles de la personnalité ou du comportement. Etude clinique

et recherche fondamentale en neurosciences s’associent pour proposer un modèle explicatif

cohérent, et directement transférable dans la prise en charge des personnes.



10h30: L’audition d’une victime de viol



Bénédicte SOULEZ, psychologue, formatrice de la gendarmerie

nationale. (sous réserve)

La formation initiale des acteurs du judiciaire ne les a pas toujours

préparés à la rencontre de personnes gravement traumatisées.

Leur audition peut pourtant à la fois participer au mieux être des

victimes, et éclairer l’enquête. La question du temps et les conditions

d’accueil prennent alors une dimension essentielle.



11h15 : Viol conjugal, la preuve en question




Pascaline COURTHES, avocate au

barreau de Châteauroux

Depuis 1992, le viol conjugal est reconnu par

la jurisprudence puis par le droit. Pour autant,

les procédures sont-elles souvent mises

en oeuvre ? comment rendre public le crime

privé, et apporter des éléments de preuve

nécessaires?




14h: Le viol de guerre : la situation spécifique des femmes

étrangères.


Evelyne JOSSE, consultante en psychologie humanitaire; coordinatrice pédagogique

de la formation en victimologie appliquée , à l’institut belge de victimologie.

Experte en hypnose judiciaire auprès du Ministère de la justice. Rédactrice de nombreux

articles sur les violences sexo spécifiques.

Congo, Rwanda... Lorsque le corps des femmes devient l’enjeu du combat la

prise en charge des femmes victimes révèlent des traumatismes spécifiques,

mais aussi les causes sociale et politique du viol. Ces dimensions, exacerbées

dans les conflits armés, sont –elles présentes dans toutes les formes de viol?



14h45 : Le viol au travail : une réalité


Gisèle AMOUSSOU, association contre les violences

faites aux femmes au travail. (AVFT)

Un court métrage de sensibilisation présente la réalité

des violences sexuelles au travail, la stratégie des agresseurs,

les réactions de victimes, les conséquences pour les

victimes.....


15h30: Ces victimes qui rebondissent


Mme Sylvie LEPINCON, psychologue

Avoir été violée ne condamne pas fatalement les victimes

au psychotraumatisme durable. Beaucoup trouveront

les ressources nécessaires pour poursuivre une

vie normale. Quels sont ces ressorts et comment parviennent-

elles à les mobiliser?



16h45: Conclusion des travaux

dimanche 20 novembre 2011

un Manifeste des professionnels de la la santé engagés dans la prise en charge d'enfants victimes de violences


À l'occasion du 20ème anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant le 20 novembre 2009


l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie

a lancé :

Un Manifeste des professionnels de la la santé

engagés dans la prise en charge d'enfants victimes de violences



accompagné d'une pétition de soutien

pour que les Droits des enfants face à la violence soient mieux respectés

en particulier les droits à être protégés, pris en charge et soignés,

et les droits à obtenir justice et réparation


Ce manifeste et cette pétition ont été signés par près de 600 professionnels de la santé principalement mais aussi du secteur social et du secteur associatif



2 ans après le 20 novembre 2011 les Droits des enfants face à la violence

sont toujours aussi peu respectés,

la loi de février 2010 sur les violences sexuelles incestueuses a été abrogée par le conseil constitutionnel, la famille étant insuffisamment définie,
les professionnels de la santé ne sont toujours pas formés et les centres de soins spécialisés n'ont pas vus le jour



Aussi nous lançons à nouveau le Manifeste et la pétition à signer

cliquez sur le lien :


http://10664.lapetition.be/

le texte est actualisé et nous y avons ajouté les revendications de la pétition

"En parler n'est pas un crime"

de l'association Le Monde à Travers un Regard, rédigée solidairement par les associations

Le Monde à Travers un Regard, Mémoire Traumatique et Victimologie SOS Inceste pour Revivre,


TEXTE DU MANIFESTE

À l'occasion du 22e anniversaire

de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant

qui proclame :



L'enfance a droit à une aide et une assistance spéciale,
que l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle,
a besoin d'une protection spéciale et de soins spéciaux,

et

les États parties s'engagent à assurer à l'enfant
la protection et les soins nécessaires à son bien-être,
compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs
ou des autres personnes légalement responsables de lui,
et prennent à cette fin toutes les mesures législatives.

(article 3)

Les États parties prennent toutes mesures législatives, administratives,
sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant
contre toutes formes de violence,
d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence,
de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle
pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux,
de son ou de ses représentants légaux ou de toute personne à qui il est confié.

Ces mesures de protection comprendront, selon qu'il conviendra, des procédures efficaces
pour l'établissement de programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire
à l'enfant à qui il est confié, ainsi que pour d'autres formes de prévention,
et aux fins d'identification, de rapport, de renvoi, d'enquête,
de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l'enfant
décrits ci-dessus, et comprendre également,
selon qu'il conviendra, des procédures d'intervention judiciaire.

(article 19)



Les professionnels de la santé signataires de ce manifeste
rappellent que
nous savons grâce à de nombreuses études, enquêtes
et recherches récentes que :



1- Les violences faites aux enfants restent très fréquentes et concerneraient près de 25% des enfants, sous-estimées et non-identifiées, méconnues voire déniées dans leur grande majorité (particulièrement pour les violences sexuelles qui touchent en majorité des enfants et sont commises par des proches : inceste et pédocriminalité), et tolérées pour une grande partie d'entre elles (violences éducatives). La loi du silence pèse particulièrement sur ces violences.

2- Les violences faites aux enfants sont graves, elles ont de redoutables conséquences sur leur intégrité psychique et physique et elles sont une atteinte à leur dignité et à leur droit fondamental de vivre en sécurité et de se développer dans un environnement psycho-affectif adapté à leurs besoins essentiels.

3- Les violences faites aux enfants entraînent en plus des atteintes et des séquelles physiques directes liées à des violences physiques, des troubles psycho-traumatiques sévères qui peuvent se chroniciser (dans 60 % des cas de maltraitances physiques et jusqu'à 80 % des cas de violences sexuelles). Ces troubles psychotraumatiques sont des conséquences normales des violences et ils sont pathognomoniques, c'est-à-dire qu'ils sont spécifiques et qu'ils sont une preuve médicale du traumatisme. Ils sont à l'origine d'une grande souffrance, de troubles anxio-dépressifs avec des risques suicidaires, de troubles du sommeil et de l'alimentation, de conduites à risques (mises en danger, jeux dangereux, conduites addictives, ), de troubles de la personnalité et du développement psycho-affectif, de troubles cognitifs avec un important retentissement scolaire (risques d'échecs scolaires). Ils entraînent aussi un risque d'être à nouveau victimes de violences (violences conjugales, violences au travail, violences sexuelles) tout au long de sa vie, un risque de marginalisation, de toxicomanie, de prostitution (pour les violences sexuelles), de grande pauvreté et de développer des conduites agressives et/ou délinquantes. Il sont responsables d’une altération de l’état de santé avec la survenue nombreuses pathologies somatiques liées au stress.

4- Les violences faites aux enfants représentent si elles ne sont prises en charge au plus tôt un risque vital : homicides, risques d'accidents mortels liés aux conduites à risques (1e cause de mortalité chez les moins de 25 ans), risques de suicides (2e cause de mortalité chez les moins de 25 ans), risques de développer des pathologies somatiques graves avec une espérance de vie réduite, risques liés à l'exclusion. L'Organisation Mondiale de la Santé a même déclaré en 1996 que les violences constituaient un des principaux problèmes de santé publique dans le monde. Et une étude américaine très récente - l'étude ACE de Felitti et Anda portant sur 17 000 personnes et publiée dans les revues médicales internationales les plus prestigieuses - a montré que 50 ans après avoir subi des violences et des négligences graves dans l'enfance, les personnes présentaient une augmentation considérable (proportionnelle au nombre de catégories de violences subies) de morts précoces, de pathologies organiques (infarctus du myocarde, hypertension, diabète, affections broncho-pulmonaires, etc.), de pathologies psychiques (état de stress post-traumatique, suicides, dépressions, angoisses, attaques de panique, troubles de la personnalité, insomnies, troubles de la mémoire et de la concentration, etc.), de conduites addictives, de troubles de l'alimentation, de conduites sexuelles à risques, de violences à nouveau subies ou de violences commises, et de désinsertion sociale.

5- Les violences faites aux enfants ont un impact négatif important sur la santé mentale, sur la santé physique, sur la qualité de vie : sur la vie scolaire, professionnelle, sociale, personnelle et affective.

6- Les violences faites aux enfants si elles ne sont pas prises en charge risquent d'être responsables d'une reproduction de violences tout au long de la vie par l'intermédiaire de troubles psycho-traumatiques : violences subies ou violences agies contre soi ou contre autrui qui sont des auto-traitements anesthésiants et dissociants de la souffrance générée par la mémoire traumatique des violences, mis en place par la victime quand elle est abandonnée sans soin. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), rappelons-le dans son texte de recommandations pour la prévention des violences domestiques et sexuelles, présenté le 21 septembre 2010 à la Conférence Mondiale de la prévention des traumatismes et la promotion de la sécurité, a souligné pour la première fois que le facteur de risque principal de subir ou de commettre des violences domestiques et sexuelles est d'avoir subi des violences dans l'enfance. La violence sur autrui étant un auto-traitement choisi par ceux qui s’octroie une position dominante et imposent un rapport de force rendus possibles par société inégalitaire.

7- Les mécanismes psychologiques et neurobiologiques à l'origine des psycho-traumatismes lors de violences sont connus. Au moment des violences l'enfant est dans l'impossibilité de se défendre et de comprendre, il se retrouve en état de sidération et son psychisme va être dans l'incapacité de réguler une réaction émotionnelle qui va rapidement entraîner un survoltage par la production trop importante d'hormones de stress (adrénaline et cortisol), Ce survoltage représente un risque vital (cardio-vasculaire et neurologique avec atteintes neuronales) : comme dans un circuit électrique, un mécanismes de sauvegarde neurobiologique exceptionnel (travaux du Dr Muriel Salmona) va se déclencher produisantune disjonction du circuit émotionnel grâce à la libération de drogues endogènes morphine-like et kétamine-like. Cette disjonction éteint la réponse émotionnelle et produitune anesthésie émotionnelle et physique avec un état de dissociation (état de conscience altérée avec sensation d'étrangeté, d'irréalité, de dépersonnalisation, d'être spectateur des violences). La disjonction produit aussi des troubles de la mémoire, avec une mémoire traumatique (mémoire émotionnelle qui n'a pas pu être traitée par le cerveau et encodée et qui reste non-consciente, incontrôlable, faisant revivre à l'identique avec la même détresse, les mêmes sensations, la même sidération et la même disjonction, les violences lors de réminiscences, de flash-back et de cauchemars). Cette mémoire traumatique, véritable bombe qui explose au moindre lien rappelant les violences, va être à l'origine d'une très grande souffrance que l'enfant va chercher à éviter à tout prix (conduites de contrôle, d'évitement, d'hypervigilance, intolérance au stress) et si ce n'est pas possible l'enfant va devoir rapidement les auto-traiter soit par disjonction spontanée qui l'anesthésie, soit quand la disjonction spontanée n'arrive plus à se faire en raison de phénomènes d'accoutumance liées au drogues morphine-like et kétamine-like par la recherche compulsive d'une disjonction coûte que coûte (par augmentation du stress : conduites à risques, mises en danger, jeux dangereux, automutilation, violences sur autrui, ou par apports de drogues dissociantes : alcool, drogues). La violence sur autrui est une drogue anesthésiante très efficace, la victime étant instrumentalisée comme « fusible ».

8- Les violences faites aux enfants si elles sont prises en charge précocement n'entraînent pas de troubles psycho-traumatiques. La prise en charge des troubles psychotraumatiques par des soins spécialisés est efficace et permet une récupération des atteintes neurologiques et des disfonctionnement psycho-neurobiologiques et une prévention des violences futures.





Pourtant, nous constatons en France
en tant que professionnels de la santé
malgré les 20 ans
de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant :


1- Que les enfants subissent encore beaucoup trop de violences, ils ne sont pas identifiés, ni protégés et ils sont rarement crus lorsqu'ils dénoncent ces violences. Particulièrement au sein de leur famille où les violences sont les plus fréquentes, les violences physiques les plus graves touchent les enfants les plus jeunes et les violences sexuelles touchent plus particulièrement les filles (viols, agressions sexuelles, mutilations génitales, 45% des violences sexuelles sont commises sur des enfants de moins de 9 ans), mais les garçons aussi (au moins 1 fille sur 8 et 1 garçon sur 10). Trop d'enfants subissent une violence économique et vivent dans une grande pauvreté et dans des conditions extrêmes, dans des logements précaires, sans-abris.

2- Que les professionnels de la santé ne sont pas formés à la psychotraumatologie et à la victimologie. Pendant les études médicales aucune formation n'est dispensée aux futurs généralistes et aux futurs spécialistes en psychotraumatologie, ni en victimologie mis à part un cours sur les maltraitances.

3- Que les professionnels ne dépistent pas systématiquement les violences, qu'ils ne diagnostiquent pas les troubles psychotraumatiques et qu'ils font très peu de signalements. Les médecins et les autres professionnels de la santé dans leur immense majorité ne posent pas systématiquement de question sur des violences et ne connaissent pas les signes d'alerte faisant suspecter des violences et/ou des troubles psycho-traumatiques. Les médecins ne sont à l'origine que de 3 % des signalements pour des enfants en danger.

4- Que le conseil de l'ordre des médecins ne se positionne pas clairement pour la lutte contre les violences, leurs dépistages et leurs soins, et qu'il ne joue pas son rôle d'information et de conseil. Les médecins dans leur ensemble ont encore trop peur d'être sanctionnés lors de signalement ou de certificats médicaux pour coups et blessures.

5- Qu'ils n'existent que très peu de centres de soins spécialisés et de professionnels spécialisés. Actuellement les centres de prises en charge d'enfants victimes de violences sont très rares, et il est aux enfants d'accéder à des soins spécialisés dans beaucoup d'endroits en France.

6- Que les enfants victimes de violences ne sont pas protégés, ni pris en charge. Les enfants victimes de violences ne sont que très peu identifiés et donc ne bénéficient pas de mesures de protection. Ceux qui présentent des troubles psychotraumatiques ne sont pas diagnostiqués, ils sont abandonnés, laissés sans soins spécialisés. Ils ne reçoivent au mieux que des traitements symptomatiques et au pire ils sont obligés pour survivre d'avoir recours à des conduites d'évitement ou pour s'auto-traiter à des conduites à risques dissociantes et anesthésiantes, conduites qui vont leur être reprochées. Les enfants victimes de pédocriminalité et de pédopornographie sont encore trop peu repérés, protégés et pris en charge et suivis sur le long terme, alors qu'ils sont gravement en danger pour leur avenir.

7- Que les enfants en situation de handicap, compte tenu de leur fragilité et de ce qu’ils vivent, doivent faire l’objet d’une attention spécifique et d’une plus grande protection.

8- Que les enfants témoins de violences conjugales ne sont pas suffisamment reconnus comme victimes à protéger avec leur parent victime

9- Que les droits de l'enfant ne sont donc pas respectés. Qu’ils ne sont pas entendus par la justice, ni représentés, ni défendus comme ils devraient l’être lors de procédures pour lesquelles ils sont concernés. Que des placements abusifs sont encore

10- Que la société reste trop tolérante face à de nombreuses violences faites aux enfants comme c’est le cas pour les violences dites éducatives dans le cadre familial. La majorité des parents y ont recours alors que leur nocivité et leur inefficacité sont prouvées, elles ne respectent pas les droits de l'enfant, les violences éducatives n'améliorent pas les performances scolaires, elles sont un apprentissage à la violence, elles augmentent le risque d'accident chez les enfants, et le risque de reproduire des violences à l'âge adulte. Les enfants n’ont pas besoin d’être dressé, une éducation non-violente est indispensable pour leur équilibre.



En tant que professionnels de la santé
spécialisés dans la prise en charge
des enfants victimes de violences,
nous demandons :


1- Une réelle application de la convention internationale des droits de l’enfant pour protéger les enfant de toute forme de violence maltraitances, inceste, pédocriminalité, et les violences intra-familiales les plus fréquentes : les violences éducatives, et pour assurer des soins spécialisés de qualité et de proximité à tous les enfants victimes de violence traumatisés

2- Plus de formations pour tous les professionnels de la santé, du social, de l'éducation, de la police, de la gendarmerie et de la justice sur les violences, leurs conséquences, l'accueil, la prise en charge et le traitement d'un enfant victime de violences.

3- Plus d'informations pour les professionnels, pour les victimes et pour le grand public sur les violences, les chiffres des violences, leurs conséquences et les mécanismes psychotraumatiques, les droits des enfants, les ressources disponibles (numéros nationaux, associations, etc.).

4- Plus de campagnes nationales contre les violences faites aux enfants dans les médias (campagnes sur les bébés secoués, contre les violences éducatives, sur les négligences, sur les violences sexuelles : sur l'inceste, la pédocriminalité, la pédopornographie, le tourisme sexuel, la prostitution, la traite et les mutilations génitales)

5- Plus de recherches et d'études de victimisation sur les violences, plus de recherches et d'études longitudinales sur les conséquences psychotraumatologiques des violences, plus de recherches et d'études sur les violences sexuelles faites aux enfants, sur la traite et la pédocriminalité et sur le devenir de ces enfants.

6- plus de centres de soins spécialisés gratuits accessibles sur l'ensemble du territoire

7- Une prise en charge des victimes, spécialisée et de qualité, gratuite.

8- Une prise en charge des auteurs de violences dès les premières agressions en privilégiant le soin et l'éducation.

9- Une réelle et juste application de la loi, droit à la justice et droit à la réparation, en respectant l’intérêt supérieur de l’enfant, en améliorant les dépôts de plaintes et en ne laissant pas impunis les délits et les crimes, en identifiant les situations de danger que courent les enfants à l’intérieur de leur famille et lors de violences conjugales, en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, particulièrement lors de séparations dans un contexte de violences conjugales, il serait nécessaire d’entendre les enfants, de reconnaître leur souffrance et de mettre en place plus de mesures d'accompagnement, de lieux de visite médiatisée et de mesure de protection.

10- Une éducation à la non-violence et à l’égalité dès le plus jeune âge, et une information précise et détaillée sur les droits des enfants

11- Une loi contre les violences éducatives sur le modèle des 31 États qui l'ont déjà mise en place depuis 1979 (Suède), en privilégiant l’information, l’aide et l’accompagnement des parents

12- Une lutte contre toutes les violences sans exception, sans oublier les violences éducatives, les violences psychologiques, les violences économiques : aucun enfant ne doit être laissé sans abri et dans des conditions de grande pauvreté, les violences d'États (centre de rétention, privation de liberté).

13- Une lutte pour une société plus égalitaire, une lutte contre les discriminations sexistes qui touchent les filles avec des violences spécifiques à leur encontre

14- Une réflexion sur la violence, sur son origine, ses mécanismes et ses conséquences, et sur les moyens à mettre en œuvre pour la prévenir efficacement avec la mise en place d'observatoires, de commissions, de groupes d'étude, de colloques et d'échanges internationaux, et des moyens alloués suffisants pour toutes les associations qui œuvrent pour la protection des enfants.

Et nous portons également les revendication de la pétition

concernant l'inceste et la pédocriminalité :

"En parler ce n'est pas un crime"

initiée par l'association Le Monde à Travers un Regard et rédigée solidairement par les associations Le Monde à Travers un Regard, Mémoire Traumatique et Victimologie SOS Inceste pour Revivre,

pour lire et signer la pétition En parler c'est pas un Crime :


http://lapetition.be/en-ligne/petition-9614.html

1- L' imprescriptibilité des crimes et délits sexuels envers les enfants afin que les victimes puissent porter plainte même des années plus tard afin de protéger d’autres enfants des agresseurs qui on le sait peuvent faire des dizaines de victimes.

2- Des moyens financiers supplémentaires des pouvoirs publics pour la prise en charge des victimes, une justice plus digne ainsi que pour soutenir les associations qui luttent au quotidien contre les violences sexuelles envers les enfants et l'accompagnement des adultes.

3- De revenir d'urgence à la légalité à laquelle l'Etat ne saurait se soustraire, et de faire rendre enfin le Rapport (attendu depuis le 30 juin 2010), et surtout sur la réalisation des buts inscrits dans la LOI n° 2010-121 du 8 février 2010, à savoir améliorer l'accompagnement médical et social des victimes d'inceste + la réinsertion du mot « INCESTE » dans le code pénal ôté il y a peu par le Conseil Constitutionnel.

4- Une formation des professionnels (social, judiciaire, médical, éducatif...) concernant les viols sur mineurs, leurs conséquences et l'obligation de signalement et ce dès l'école de médecine par exemple.

5- Des campagnes d’information et de prévention concernant l'inceste et la pédocriminalité en particulier à l’école, y compris des campagnes audiovisuelles à heure de grande audience. (voir le livret de prévention gratuit :http://www.crifip.com/medias/files/livretmtr-web.pdf )

6- Soutenir et développer l’implantation de structures spécialisées en victimologie et psychotraumatisme.

7- Mettre en place des études et des recherches concernant les viols sur les mineurs ainsi que leurs conséquences.

8- Avant recrutement, enquête de moralité et examen du casier judiciaire des intervenants auprès des enfants : travailleurs sociaux, assistantes maternelles et leur conjoint, enseignants, animateurs de centres de loisirs ou colonies, chauffeurs de bus scolaires…

9- Considérer l’enfant qui ose parler comme un enfant « présumé victime » même s’il a commis des actes de délinquance qui sont souvent des appels au secours ou les conséquences de sévices subis (vol, toxicomanie, fugues, violences physiques…).

10- Prise en charge pluridisciplinaire de l’enfant victime avec un accompagnement psychologique systématique gratuit par des victimologues.





Manifeste initié par
l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie

email : drmsalmona@gmail.com, site : http://memoiretraumatique.org/



Vous pouvez soutenir ce manifeste, même si vous n'êtes pas un-e professionnel-le de la santé sur le site pétition-be :


http://lapetition.be/en-ligne/petition-10664.html