dimanche 20 février 2011

Campagne 2011 de l'association : Manifeste et pétition sur VIOLENCES ET SOINS




CAMPAGNE 2011 VIOLENCES ET SOINS :

DE L'ASSOCIATION MEMOIRE TRAUMATIQUE ET VICTIMOLOGIE

PRÉAMBULE

www.memoiretraumatique.org





POUR SIGNER LZ PÉTITION CLIQUEZ SUR LE LIEN :

http://www.lapetition.be/petition.php?petid=9395


Les violences qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles sont une atteinte à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes.


Elles ont de graves répercussions immédiates et à plus long terme sur la santé et sur le développement psychologique et social des personnes. L'OMS en 1996 a déclaré qu'elles constituaient l'un des principaux problèmes de santé publique dans le monde.


Les violences ayant le plus d'impact sur la santé physique et mentale à long terme sont aussi les violences les plus méconnues malgré leur grande fréquence, comme les maltraitances envers les enfants et les personnes vulnérables, les violences familiales et à l’intérieur du couple, les violences sexuelles. Ces violences qui bénéficient d'une véritable loi du silence sont commises sous couvert de soins, de protection, d'éducation, d'amour, de désir et de sexualité, essentiellement par des proches et des personnes connues dans plus de 80% des cas. La méconnaissance de leur réalité (manque d'études, de chiffres, de recherches), l'absence de prévention ciblée, l'absence d'information sur les risques de subir ces violences, l'absence d'accès à des soins donnés par des médecins formés sont à l'origine d'un abandon total de victimes dont la parole n'est jamais prise en compte.


Or les violences subies pendant l'enfance quand elles ne sont pas prises en charge sont le (un) déterminant majeur de la santé et du bien-être d'une population :


Une étude américaine récente sur 17 000 personnes montre, 50 ans après des violences et des négligences subies pendant l'enfance, une augmentation considérable et proportionnelle (au nombre de violences et de négligences différentes subies, score allant de 0 à 8), de morts précoces, de pathologies organiques (infarctus du myocarde, hypertension, diabète, obésité, affections broncho-pulmonaires, maladies sexuellement transmissibles, fractures, hépatites), de pathologies psychiques (états de stress post traumatique, suicides, dépression, angoisses, attaques de panique, troubles de la personnalité, insomnie, troubles de la mémoire et de la concentration), de conduites addictives (tabac, alcool, drogues), de troubles de l'alimentation, de conduites sexuelles à risque, de violences à nouveau subies et de violences commises, de désinsertion sociale (Felitti VJ, ACE Study, The Relationship of adverse childhood experiences to adult health status, 2010).


Ces conséquences à long terme sont dues à des troubles psychotraumatiques chroniques qui s'installent quand les victimes de violences ne sont ni identifiées, ni prises en charge, ni protégées, ni soignées. Abandonnées seules avec une grande souffrance et un sentiment d'insécurité permanent elles devront survivre en mettant en place des stratégies d'auto-traitement. Ces stratégies de survie auront non seulement de lourdes conséquences sur leur santé, mais elles seront un facteur d'exclusion et de pauvreté, et un facteur de risque d'être à nouveau victime de violence ou de reproduire des violences.


L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans son texte de recommandations pour la prévention des violences domestiques et sexuelles, présenté le 21 septembre 2010 à la Conférence mondiale de la prévention des traumatismes et de la promotion de la sécurité, a souligné pour la première fois qu'un des principaux facteur de risque de subir et de commettre des violences domestiques et sexuelles est d'avoir subi des violences dans l'enfance (texte téléchargeable sur le site). Les stratégies de survie et d'autotraitement des conséquences psychotraumatiques des violences sont donc au coeur de la reproduction des violences.


Or des traitements de ces troubles psychotraumatiques existent et sont efficaces, et les conséquences sur la santé pourraient être évitées en mettant en place une réelle protection et des soins spécialisés pour toutes les victimes. Toute victime de violence non prise en charge risque d'être à nouveau victime ou de devenir auteur de violences.


Les violences ne sont pas une fatalité, elles sont un privilège que certains s'octroient en toute injustice et impunité. Il faut lutter contre elles en protégeant toutes les victimes, en les soignant et en luttant contre toutes les inégalités et toutes les discriminations.


Les violences, en ce début du XXème siècle, sont un des derniers privilèges qui continuent de parasiter notre démocratie et de mettre à mal les valeurs fondamentales que sont la liberté, l'égalité et la fraternité. Exercer des violences c'est s'octroyer le "droit" au nom d'une prétendue supériorité de dominer, de soumettre, de détruire des personnes qui sont considérées comme ayant moins de valeur que soi. Il s'agit de les réduire en esclavage et/ou de les instrumentaliser comme un "médicament ou une drogue" pour s'anesthésier et s'éviter ainsi toute contrainte, angoisse, tension ou remise en question.


Les violences les plus fréquentes et les moins dénoncées sont :


les violences envers les enfants : les études épidémiologiques manquent, quelques études internationales rapportent des violences physiques graves et fréquentes. La violence physique exercée contre les enfants est en général infligée pour punir et elle est acceptée par les parents, comme une norme sociale qui prévaut et est souvent même considérée de droit comme une forme correcte de discipline. Par ailleurs, selon des études effectuées dans le monde entier, environ 20 % des femmes, et 5 à 10 % des hommes déclarent avoir été victimes de violence sexuelle dans l’enfance. Beaucoup d’enfants souffrent de violence psychologique aussi bien que de négligence, dont on ignore l’ampleur du phénomène dans le monde. Lors de l'étude ACE Study portant sur 17000 personnes, on a retrouvé dans leur enfance des violences psychologiques chez 11% d’entre elles, des violences physiques chez 28 %, des violences sexuelles chez 21%.


les violences sexistes ou sexuelles envers les femmes : les chiffres sont impressionnants, suivant les pays, 15 à 71 % des femmes ont été maltraitées, frappées, agressées sexuellement au cours de leur leur vie, aucune femme, aucune fille dans le monde n'est à l'abri de subir des violences en raison de son sexe, et les violences sexuelles, suivant les études et les pays, toucheraient 20 à 30% des personnes au cours de leur vie et plus de la moitié avant 18 ans. (pour en savoir plus lire l'article du dr M. Salmona de septembre 2010 avec toutes les références : violences envers les femmes et les filles : un fléau mondial


les violences au travail, dans le cadre du soin, et les violences sur des personnes en situations de vulnérabilité (handicaps, maladies, grand âge, grande pauvreté) et de discrimination (en fonction des origines, de l'orientation sexuelle, , des opinions politiques ou religieuses).


Ces violences sont rendues possible par de nombreux stéréotypes et de fausses représentations (la place de l'homme, de la femme et de l'enfant dans la société, l'équivalence entre éducation et dressage, amour et possession, sexualité et violence, la confusion entre désir et prédation, les prétendues pulsions sexuelles irrépressibles des hommes et disponibilité sexuelle des femmes, etc.), le déni et la loi du silence qui pèsent sur elles, la méconnaissance de leur fréquence et de la gravité de leur impact.


Les violences sont toujours intentionnelles, souvent préméditées et elles sont une drogue au service de l'agresseur, elles n'ont rien à voir avec la victime :


Elles s'exercent de façon mystificatrice sous couvert d'amour, de désir, d'éducation, de soins, de sécurité, pour le "bien" de la victime. Il n'en est rien. La violence ne sert que l'agresseur. Rien de ce qu'est ou fait la victime ne ne justifie la violence, la victime n'est pas responsable de la violence exercée contre elle. L'agresseur impose par manipulation, emprise, domination ou terreur un scénario et un rôle à la victime qui ne la concernent en rien. Il s'agit pour l'agresseur d'utiliser une victime pour son seul et unique intérêt, pour son confort et pour s'éviter des angoisses (esclaves à disposition, fusibles pour s'anesthésier).



Les violences sont à l'origine d'une atteinte grave de l'intégrité physique et psychique des victimes, avec des blessures physiques mais aussi psychiques et neurologiques liées au stress qui nécessitent des soins urgents et spécialisés.



Les violences génèrent un stress extrême (avec production d'adrénaline et de cortisol) que la terreur et la sidération psychique de la victime rendent incontrôlable, cela entraîne un risque vital cardio-vasculaire et neurologique, et déclenche alors un mécanisme de sauvegarde neuro-biologique qui - comme dans un circuit électrique qui est en survoltage - fait disjoncter le circuit émotionnel responsable du stress extrême. cette disjonction crée une anesthésie émotionnelle brutale et un état de dissociation (état de conscience altérée avec des sensations de déconnection et de dépersonnalisation) qui protège le cœur et le cerveau. Cette anesthésie émotionnelle est produite par des drogues dures (morphine et kétamine-like sécrétées par le cerveau). Cette anesthésie émotionnelle qui est subie douloureusement par les victimes, est en revanche activement recherchée par les agresseurs et entraîne chez eux une véritable addiction.



Si tout traumatisme peut entraîner des troubles psychotraumatiques chroniques (avec un risque de 24%), les violences sont beaucoup plus à risque d'en développer particulièrement quand il s'agit de violences intra-familiales (60%, Astin,1995) ou de violences sexuelles (jusqu'à 80%, Breslau, 1991). Ces troubles psychotraumatiques peuvent durer des années, des dizaines d'années voire toute une vie si aucun soin n'est donné. Les mécanismes qui sont à l'origine de ces troubles psychotraumatiques sont connus depuis peu. La disjonction de sauvegarde lors du stress extrême entraîne, en plus de l'anesthésie émotionnelle, la mise en place d'une mémoire traumatique (mémoire émotionnelle des violences qui, en raison du court-circuit) ne pourra pas être traitée, ni intégrée au niveau du cortex. Cette mémoire traumatique non-consciente et non-contrôlable, comme une machine à remonter le temps infernal, fait revivre à la victime les violences à l'identique avec la même terreur, les mêmes douleurs, les mêmes sensations lors de réminiscences, de flash-back, de cauchemars. Elle se déclenche lors de liens qui rappellent les violences (contexte, émotions, sensations, douleurs). Elle va transformer la vie des victimes en un terrain miné et être à l'origine d'une souffrance psychique extrême et d'un sentiment d'insécurité permanent. Avec des soins précoces (dans les 12heures) elle peut être évitée. Si la victime est abandonnée sans protection, sans prise en charge ni soins appropriés, la mémoire traumatique s'installe durablement et s'accompagne d'une souffrance intolérable et d'idées suicidaires. Pour survivre, la victime doit mettre en place des stratégies de survie : des conduites d'évitement, de contrôles et d'hypervigilance pour éviter tout allumage de la mémoire traumatique ; et des conduites dissociantes pour l'anesthésier si elle s'est allumée comme des mises en danger (qui en augmentant le stress provoqueront une disjonction et une anesthésie comme des auto-mutilations, des conduites à risques) et des conduites addictives telles que consommation de produit ayant un pouvoir anesthésiant et dissociant comme de l'alcool ou de la drogue : de 70 à 90% des alcooliques, des toxicomanes, des prostitué-e-s ont subi de graves maltraitances le plus souvent dans l'enfance, avec un très fort pourcentage de violences sexuelles.



Ces stratégies de survie lui permettront de se protéger un peu, mais elles seront très coûteuses, incompréhensibles et culpabilisantes, et elles auront un impact catastrophique sur leur santé et leur vie personnelle, sociale et professionnelle. Avec un risque de mort prématurée (accidents, suicides, morts par maladie), de maladie cardio-vasculaires, de conduites à risques, de conduites addictives, de troubles psychiatriques (dépressions, crises d'angoisse, phobies, insomnie, de troubles de l'alimentations, de la sexualité, troubles de la personnalité, troubles de la mémoire, de la concentration, d'absences, de sentiments de honte et de culpabilité, de dépersonnalisation, d'être différent), accompagnés d'une fatigue et de douleurs chroniques, d'échecs scolaires et professionnels, d'arrêts de travail de longue durée, d'invalidité, d'isolement, de marginalisation, d'exclusion, de grande pauvreté, mais aussi de délinquance et de reproduction des violences (pour s'anesthésier en instrumentalisant autrui).



La mémoire traumatique, la souffrance et le stress qu'elle déclenche et les stratégies pour l'éviter et l'anesthésier sont donc à l'origine de toutes les conséquences sur la santé et la vie des victimes. Or si les violences sont connues, il est possible d'éviter la mise en place d'une mémoire traumatique par une protection et une prise en charge précoce, ou de traiter efficacement cette mémoire traumatique par des soins spécialisés. Pour en savoir plus aller sur le site memoiretraumatique.org




Laisser des victimes non identifiées, sans protection, sans information et sans soin c'est donc :


  • les condamner à souffrir durant des années, voire toute leur vie, dans une solitude effroyable, dans un état d'insécurité permanente, d'incompréhension et de culpabilité, sans espoir de pouvoir se réaliser et d'être pleinement elles-même
  • prendre le risque qu'elles meurent précocément, de morts violentes par homicides, par suicides, par accidents ou par maladie
  • prendre le risque qu'elles développent des conduites addictives (tabac, alcool, drogues, jeux), des troubles alimentaires, une sexualité à risque et se retrouvent piégées dans des situations prostitutionnelles
  • mettre en danger leur santé, de multiplier la consommation de soins inadaptés et inefficaces
  • prendre le risque de les mettre en échec au niveau scolaire et professionnel
  • aggraver les inégalités et renforcer les discriminations et les injustices
  • augmenter la précarité, les situations de marginalisation, le risque prostitutionnel et la pauvreté et mettre en danger la cohésion sociale,
  • donner un signal fort aux agresseurs pour qu'ils se sentent autoriser à continuer les violences sur des victimes qu'ils peuvent estimer sans valeur puisque la société ne met pas tout en œuvre pour les protéger
  • mettre les victimes en danger de subir de nouvelles violences et alimenter une reproduction sans fin des violences car certaines victimes choisiront de s'auto-traiter en adhérant à la loi du plus fort et en exerçant elles-mêmes des violences.




Pourtant, en 2011, malgré leur fréquence et leur gravité, ces violences font toujours l'objet d'une méconnaissance et d'une sous-estimation, au pire d'un déni ou d'une tolérance coupable (moins de 10% des viols et des violences conjugales font l'objet d'une plainte, OND 2009).


Elles font l'objet d'une véritable loi du silence. Cette loi du silence protège les agresseurs en leur assurant l'impunité, et elle protège également le mythe d’une société patriarcale idéale où les plus forts (les hommes et tout ceux qui détiennent une autorité) protégeraient ceux désignés comme étant les plus faibles ou les plus vulnérables (les femmes et les enfants).


Surtout, cette loi du silence abandonne les victimes à leur sort. Actuellement l'immense majorité des victimes restent seules car elles ne sont pas identifiées, restent sans soins car leurs troubles psychotraumatiques ne sont pas pris en charge spécifiquement (par méconnaissance de la part des médecins qui ne sont toujours pas formés durant leurs études médicales), et elles subissent souvent des soins inappropriés, voir violents.


Cependant, des soins spécialisés sont efficaces sur les troubles psychotraumatiques et particulièrement sur la mémoire traumatique.. Lʼétude sur les conséquences psychotraumatiques des violences faites en 2008 sur le 92 a montré que plus de 80% des patients victimes de violences recevant des soins spécialisés ont constataient une amélioration de leur santé psychique importante, voire très importante, et 47 % une amélioration de leur santé physique, la prise en charge spécialisée est considérée comme utile, répondant aux attentes, permettant dʼaller mieux et de mieux se comprendre (cf étude M. Salmona 2008).


La violence n'est pas une fatalité et les auteurs de violences doivent être traités pour leur addiction à la violence.


Dr Muriel Salmona, Bourg la Reine, le 22 février 2011, journée européenne des victimes

Présidente de l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie

54 avenue des vergers 92340 Bourg la Reine




MANIFESTE





En France, en 2011, l'absence de dépistage des violences, de protection des victimes et de soins spécialisés sont à l'origine d'un coût humain énorme et d'un coût très important en dépenses de santé et en aides sociales qui auraient pu être évités. Or Il est possible de combattre la violence, non par un tout-sécuritaire qui ne cible que certaines violences, mais par une prévention ciblée, une protection sans failles et une prise en charge spécialisée des victimes. Toute victime doit être protégée et soignée, ses droits doivent être respectés.



C'EST POURQUOI EN TANT QU'ASSOCIATIONS, EN TANT QUE PROFESSIONNEL-LE-S DU SOINS ET DE LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES, EN TANT QUE VICTIMES ET PROCHES DE VICTIMES, EN TANT QUE CITOYEN-NE-S NOUS LANÇONS LE 22 FÉVRIER 2011:


UN MANIFESTE ET UNE PÉTITION

SUR VIOLENCES ET SOINS

www.memoiretraumatique.org



POUR QUE LES VICTIMES DE VIOLENCES SOIENT ENFIN PROTÉGÉES, POUR QU'ELLES REÇOIVENT DES SOINS APPROPRIÉS ET POUR QUE LEURS DROITS SOIENT RESPECTÉS



Droit à être entendues, crues et reconnues

Droit à être secourues, protégées et informées

Droit à ce que justice leur soit rendu

Droit à être traitées avec dignité, bienveillance et attention, en respectant leurs demandes et avec leur consentement

Droit à recevoir des soins de qualité, gratuits par des professionnels compétents et formés, dans des lieux adaptés et accessibles à tous

Droits à ne pas subir de violence dans le cadre des soins et de la prise en charge





EN 2011 CES DROITS FONDAMENTAUX NE SONT TOUJOURS PAS RESPECTÉS

AUSSI NOUS ACCUSONS


Les Politiques, les Pouvoirs Publiques, les professionnels censés prendre en charge ces victimes de violence et la société, dans leur ensemble



D'ABANDONNER LES VICTIMES :


De ne pas les voir, de les ignorer, de ne pas les entendre, d'être dans le déni de la réalité des violences et de leurs conséquences sur la santé, de ne pas les secourir, de ne pas les protéger, de ne pas leur rendre justice, de ne pas les soigner et souvent de les maltraiter lors de leur parcours de prise en charge et de soin.

Abandonner les victimes, être indifférent à leur sort, c'est leur donner peu de valeur

et c'est conforter les agresseurs dans un sentiment de supériorité qui leur permet de s'octroyer le privilège d'instrumentaliser des victimes pour les soumettre et s'en servir comme esclave à leur service ou comme fusible pour s'anesthésier.



DE NON ASSISTANCE À PERSONNE EN DANGER :



Les violences font courir des risques majeurs aux victimes et à leurs proches qui en sont témoins (surtout les enfants). Elles ont de graves répercussions immédiates et à plus long terme sur la santé et sur le développement psychologique et social des personnes. Elles constituent l'un des principaux problèmes de santé publique dans le monde et sont un déterminant majeur de la santé d'une population (cf le préambule):


  • risque d'homicides, de blessures graves, de contamination et de grossesses lors des violences
  • risque important de morts précoces avec un risque accru d'accidents (liés aux troubles de l'attention et de la concentration, aux absences, aux mises en danger, multipliés par 10), de suicides (risque 10 à 20 fois supérieur),
  • risque pour la santé mentale avec d'importants troubles psychotraumatiques : souffrance mentale, dépression, troubles anxieux, phobiques et obsessionnels, troubles du sommeil, troubles dissociatifs, troubles du comportement alimentaire et sexuel, troubles des conduites - mises en danger, auto-mutilations, jeux dangereux, sexualité à risque, conduites addictives - trouble de la personnalité, sentiment d'insécurité, de culpabilité, de honte et absence d'estime de soi)
  • risque pour la santé physique : maladies consécutives aux séquelles des violences, maladies liées au stress (cardio-vasculaires, endocriniens particulièrement diabète, digestifs, génito-urinaires, immunologiques, infectieux, pulmonaires, etc), maladies liées aux conduites à risque (contamination, grossesses précoces, grossesses à risques, conséquences sur la santé de la consommation de tabac, d'alcool, de drogue, de la sur-consommation de médicaments), maladie liées à la dissociation et à l'anesthésie émotionnelle (manque de prévention, négligences graves), avec une augmentation très importante de demande de soins, de consommation d'examens médicaux et d'interventions chirurgicales (liées à la mémoire traumatique, multipliées par 8)
  • risque d'échecs scolaires et professionnels, d'invalidité, d'isolement social, de marginalisation et d'exclusion, de grande pauvreté, de prostitution, d'alcoolisme et de toxicomanie, de subir de nouvelles violences, de commettre des violences, risque de délinquance




D'INJUSTICES



Les victimes de violence subissent des injustices en cascade :


  • injustice d'être des victimes innocentes d'une violence aveugle, piégées dans une histoire qui ne les concerne pas ;
  • injustice d'être victimes d'une société qui les expose doublement, d'une part en créant un contexte inégalitaire qui permet à des agresseurs d'utiliser leur position dominante pour les instrumentaliser, et d'autre part en ne mettant pas tous les moyens politiques en œuvre pour lutter contre les violences ;
  • victimes de leur entourage qui ne veut ni voir, ni savoir, ni entendre, ni dénoncer ce qu'elles subissent dans l'intimité d'une famille, d'un couple, d'une relation ou dans l'espace clos d'un travail, d'une institution ;
  • victimes de toute une mal-traitance commise par des professionnels censés les protéger, leur venir en aide, leur rendre justice et les soigner, qui souvent ne les croient pas, banalisent les violences et sous-estiment le danger qu'elles courent et les conséquences qu'elles subissent, par manque de formation surtout, mais aussi par négligence et manque d'empathie ;
  • victimes de l'injustice désespérante de voir des agresseurs bénéficier dans l'immense majorité des cas d'une impunité totale, faute d'être dénoncés, d’être mis en examen, d’être déférés devant un tribunal ou d’être condamnés par une justice encore trop parasitée par de nombreuses idées reçues sur les victimes et les violences, et qui méconnaît de nombreux indices et de nombreuses preuves médicales, les agresseurs pouvant alors continuer à exercer des violences en toute tranquillité ;
  • victimes de l'injustice d'être celles qui en fin de compte se retrouvent condamnées à souffrir, à se battre et à devoir se justifier sans cesse, à supporter mépris, critiques et jugements, à entendre des discours moralisateurs et culpabilisants pour des symptômes que personne ne pense à relier aux violences.




DE DISCRIMINATIONS



  • En ne luttant pas suffisamment contre toutes les inégalités et les discriminations qui rendent possibles de nombreuses violences : discriminations sexistes, racistes, xénophobes, ethniques, liées à l'âge, la grossesse, les handicaps, la maladie, la pauvreté, les convictions religieuses ;`
  • En ne protégeant et n'assurant pas des conditions de vie décente aux plus vulnérables et aux plus dépendants comme les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées et malades ;
  • En tolérant des situations qui sont des atteintes graves à la dignité des personnes comme les situations d'esclavage, de grande pauvreté, les situations de grande marginalité et d'exclusion (SDF), les situations prostitutionnelles et la pornographie, les discriminations exercés sur les victimes en les soupçonnant a priori de mentir quand elles dénoncent les violences.




ET D'EXERCER DES VIOLENCES OU D'EN ÊTRE COMPLICE : VIOLENCES DE SOINS INAPPROPRIÉS

ET VIOLENCES SOUS COUVERT DE SOINS



La majorité des victimes ne bénéficient pas des soins appropriés indispensables.


Les soins sont saturés de violence, au mieux il s'agit de la part des soignants de méconnaissance, de fausses représentations, au pire d'indifférence, de négligences, d'anesthésie émotionnelle, de discriminations, voire d'intention de nuire : de dominer, de manipuler ou de détruire. Et les soins sont singulièrement absents quand il s'agit de prendre en charge les victimes de violences.


Les soins donnés aux victimes sont souvent uniquement symptomatiques et tiennent rarement compte des violences, aucun lien n'est fait dans l'ensemble, ce qui rend les soins inefficaces dans la durée. L'expression de la mémoire traumatique peut-être trompeuse et conduire à des erreurs diagnostiques, par exemple dans le cas de réminiscences qui prennent la forme de douleurs (lors des coups et des sévices), d'étouffement (quand il y a eu strangulation par exemple), de nausées, de vomissements, d'absences, de vertiges, voire d'évanouissement (comme lors des violences), de sons ou de phrases, de cris ou d'images ou de sensations tactiles qui peuvent prendre la forme d'hallucinations. Des examens et des interventions chirurgicales inutiles peuvent être pratiqués, des diagnostics erronés préjudiciables pour les victimes peuvent être faits, comme celui de psychose entraînant de longues hospitalisations en service fermé et des traitements lourds et invalidants.


Souvent les traitements psychiatriques proposés ne sont qu'anesthésiants émotionnellement et dissociants, comme les traitement très sédatifs, les électro-chocs, l'isolement la contention, les amphétamines pour les enfants hyper-actifs (la psychiatrie dans la première moitié du siècle avait utilisé la "faradisation", les comas insuliniques, et en France, jusque dans les années 50, la lobotomie, cette dernière est encore pratiquée dans certain pays).


Les violences exercées sur des personnes en crise (qui revivent les traumatismes lors de l'allumage de leur mémoire traumatique) sont malheureusement "efficaces" à très court terme car elles vont entraîner une disjonction et une anesthésie émotionnelle qui vont calmer la personne, mais elles sont catastrophiques car elles traumatisent à nouveau la victime et rechargent sa mémoire traumatique. Ils peut s'agir de violences verbales (injures, propos dégradants), psychologiques (chantages, menaces), physiques (contention, isolement, privations, douches froides).


Les soins s'exercent par définition sur des personnes en situation de vulnérabilité, que cette situation de vulnérabilité soit ponctuelle, liée à une maladie passagère, un traumatisme ou une grossesse, ou qu'elle soit durable, liée à des maladies chroniques, à des handicaps physiques et mentaux ou à des états de grande dépendance tels que la petite enfance et le grand âge. Cette vulnérabilité expose les patients à des violences encore plus fréquentes que dans le reste de la population, de la part de soignants, de proches ou d'autres malades.


Les violences sexuelles commises par des soignants, particulièrement par les médecins, sont bien plus fréquentes que l'on pense, elles font l'objet d'un déni et d'une loi du silence. La position d'autorité d'un médecin, l'abus d'une confiance implicite qu'il détourne pour son propre compte, la mise en scène d'une dette que lui devrait la patiente pour les soins prodigués, permettent à un médecin d'imposer des actes violents, d'escroquer émotionnellement et de manipuler facilement une patiente ou un patient pour qui dire non ou se défendre sera impossible, comme lors d'un inceste parent-enfant. En France, aucune étude n'a été faite sur ces violences qui auront de graves conséquences sur les victimes, et nous ne disposons d'aucun chiffre. D'après des études américaines environ 10% des médecins, psychiatres et psychologues avaient eu des contacts sexuels avec leurs clients, et au moins 89% des contacts sexuels dans le cadre de relations professionnelles du domaine de la santé avaient eu lieu entre un homme professionnel et une femme cliente.


On sait qu'une personne handicapée court trois fois plus de risques qu'une personne valide de subir des violences. Les chiffres canadiens (nous n'avons pas de chiffres en France) montrent que 40% des femmes présentant un handicap physique subissent au moins une agression sexuelle au cours de leur vie, et que 39 à 68% des femmes présentant une déficience mentale subissent au moins une agression sexuelle avant 18 ans. Ces violences sont alors un facteur d'aggravation du handicap et d'exclusion.


NOUS DEMANDONS



Pourquoi n'y a-t-il pas de politique de santé qui prenne en compte l'impact de la violence sur la santé des personnes ? Alors qu'il est avéré qu'il s'agit d'un facteur de risque majeur !!!

Pourquoi n'y a-t-il pas de formation des médecins, des psychiatres et des psychologues cliniciens à la psychotraumatologie pendant leurs études et dans le cadre d'une formation continue ?

Pourquoi n'y a-t-il pas de centre de soins spécifiques accessibles à tous et sur tout le territoire et dans chaque département ?

Pourquoi n'y a-t-il pas de campagnes qui diffusent des informations sur l'impact sur la santé des violences ?



NOUS VOULONS



Une vraie politique de santé publique concernant les violences,

une véritable protection pour toutes les victimes de violences,

des soins de qualité et de proximité, précoces, spécialisés et gratuits pour toutes les victimes de violence

une formation des professionnels de la santé à la prévention, au dépistage et aux soins des victimes de violences,

des centres de santé pour les victimes dans chaque département,

des campagnes d'information et de prévention grand public,

la mise en place d'enquête et de recherches sur le sujet,

la création d'un observatoire national sur l'impact des violences et la prise en charge des victimes



Personne ne doit plus se sentir coupable, ni honteux d'être victime de violences. Ce sentiment est crée de toute pièce, il s'agit d'une imposture, d'une manipulation pour mettre en place une inversion de responsabilité et un déni de justice. Cette imposture est véhiculée par une société inégalitaire qui diffuse le discours des dominants : à savoir qu'une victime se situe du côté des inférieurs, qu'elle ne vaut pas grand chose, qu'elle est nulle, faible, incapable. Et que tant pis pour elle, elle n'avait qu'à pas se laisser faire ou se laisser avoir… qu'elle y est certainement pour quelque chose !… qu'elle n'a pas fait ce qu'il fallait, ou bien qu'elle est méchante, menteuse, ou encore qu'elle n'a rien compris, que ce n'est pas si grave… Et cette imposture est confortée par le fait que les victimes sont abandonnées et jamais entendues, elles ne méritent donc pas d'être protégées et soignées, leurs paroles n'ont pas de valeur et justice n'a pas à leur être rendue.


IL FAUT ÊTRE SOLIDAIRE DES VICTIMES, ET LES SECOURIR !

LA DIGNITÉ EST DU CÔTÉ DES VICTIMES,

L'INDIGNITÉ DU CÔTÉ DES AGRESSEURS



Pour plus d'informations : lire le préambule et visiter le site

Contact :

Association Mémoire Traumatique et Victimologie :

Dr Muriel Salmona, présidente de l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie,

mail : drmsalmona@gmail.com ; tél : 06 32 39 99 34

site : http://memoiretraumatique.org/



POUR SIGNER LZ PÉTITION CLIQUEZ SUR LE LIEN :

http://www.lapetition.be/petition.php?petid=9395


SIGNATAIRES DU MANIFESTE

Préface de Muriel Salmona du livre "Ma vie en pièces détachées" de Maritée

Préface de Muriel Salmona, extraite de la 2e édition du livre "Ma vie en pièces détachées" de Maritée, pp. 13-24.

Nota Bene: Cette 2e édition est couverte par les droits d'auteur et a été imprimée à tirage limité en vue du colloque sur les Violences Sexuelles organisé par l'Association Mémoire Traumatique et Victimologie qui s'est déroulé le 10 novembre 2010 à Bourg la Reine, France.

Elle n'a pas fait l'objet d'une autre réimpression, étant en attente d'une décision d'éditeurs pour savoir si elle va se vendre en autoédition comme la première ou être publiée cette fois par un VRAI éditeur. En attendant, la première édition continue à être dispnible avec la préface du Dr. Muriel Salmona fournie en tiré à part.



Préface



Au delà de l’océan, et grâce à la magie d’internet et de ses réseaux sociaux, nous avons pu, Maritée et moi, échanger nos publications. Elle a découvert mes travaux cliniques et scientifiques sur la mémoire traumatique des victimes de violences et ses mécanismes neurobiologiques. Et j’ai découvert avec émotion son livre : un témoignage extraordinaire et capital sur une vie fracassée par un inceste effroyable dont elle n’avait plus aucun souvenir conscient, mais qui imposait sa loi au travers de sévices sexuels qu’elle s’auto-infligeait; et un témoignage exemplaire et remarquable sur une quête exigeante à la recherche de la vérité, sur une lutte acharnée pour se libérer du déni, pour comprendre et rassembler pièce à pièce une histoire à partir de bribes de souvenirs qui refaisaient surface.

Son combat et le mien ne pouvaient que se rejoindre. Toutes les deux, nous nous battons pour que soient enfin connues, reconnues et comprises les stratégies de survie dévastatrices que les victimes de violences sexuelles sont obligées de mettre en place pour échapper à une souffrance intolérable. Parce qu’elles sont condamnées au silence, abandonnées sans protection et sans soins, les victimes d’inceste sont obligées de survivre seules avec des symptômes psychotraumatiques très graves. La mémoire traumatique des violences est le symptôme principal de ces troubles psychotraumatiques. Cette mémoire traumatique est une mémoire émotionnelle « fantôme » intrusive et incontrôlable des violences subies. Quand elle n’est pas traitée, elle revient hanter les victimes traumatisées pendant de longues années après les violences et parfois même toute leur vie, leur faisant revivre « éternellement » et à l’identique le « film » des violences avec les mêmes sentiments d’effroi, d’impuissance et de sidération ressentis lors de celles-ci. De façon incontrôlable, elle envahit alors le champ psychique avec la même détresse lors de flashbacks, de réminiscences sensorielles, émotionnelles et corporelles, comme une machine à remonter le temps. Véritable bombe toujours prête à exploser, cette mémoire traumatique transforme la vie des victimes en enfer. Pour l’éviter ou pour l’anesthésier une fois qu’elle est déclenchée, les victimes n’ont comme seul recours que de développer des conduites d’auto-traitement. Elles mettent en place des conduites de contrôle et d’évitement de tout ce qui peut, en rappelant les violences, faire exploser la mémoire traumatique, une des plus efficaces étant d’oublier ces violences. Et quand la mémoire traumatique explose malgré tout, elles ont alors recours à des conduites dissociantes pour l’anesthésier. Cette anesthésie physique et émotionnelle est obtenue par la prise de drogues ou d’alcool, ou par tout un ensemble de conduites à risques, de mises en danger, d’addiction au stress, d’automutilations et de scénarios violents qui sont des répliques des violences subies. Ces conduites dissociantes sont compulsives et incompréhensibles pour les victimes, elles les laissent dans un sentiment de culpabilité, de honte, de solitude et de désarroi total. C’est pour libérer les victimes de ces sentiments de honte et de culpabilité, pour leur rendre leur dignité et leur vérité que nous nous battons Maritée et moi. Et c’est aussi pour que ces conduites d’auto-traitement soient identifiées comme des symptômes psychotraumatiques par les professionnels qui prennent en charge les victimes, pour qu’elles soient entendues, reconnues, soignées, et que justice leur soit enfin rendue.

De son côté, Maritée a fait d’elle-même et de sa vie son propre sujet de recherche et de témoignage pour informer sans relâche. Avec un courage et une générosité inouïe elle nous décrit dans son livre son calvaire, sa vie détruite par l’inceste paternel alors qu’elle n’était qu’une petite fille, sa quête de vérité et sa reconstruction. Par souci d’exemplarité, elle nous livre tous ses symptômes, même ceux qu’habituellement tout le monde cache. Nous apprenons comment elle a été murée pendant des dizaines d’années dans une amnésie de survie, et comment depuis l’adolescence elle a été aux prises avec une mémoire traumatique corporelle, des conduites d’automutilations et des sévices sexuels auto-infligés dans le cadre de scénarios sadiques terrifiants qu’elle mettait en scène. Puis comment, face à des souvenirs d’inceste effroyables qui sont revenus petit à petit, elle a mené une véritable enquête pour comprendre son histoire, pour retrouver sa mémoire. Dans cette recherche de vérité, ceux qui l’ont aidée ont été très rares, et c’est grâce uniquement à son obstination qu’elle a fini par rencontrer des thérapeutes compétents. Par contre, nombreux sont ceux, à commencer par sa famille, qui ont tout fait pour entraver sa route et entretenir un déni massif. La théorie délétère des « faux souvenirs » a été leur arme principale. Nombreux sont ceux aussi, qui par méconnaissance, insuffisance de formation, n’ont pas pu l’accompagner dans son désir de justice et de réparation. Et si à certains moments le désespoir et l’envie d’en finir l’ont submergée, elle n’a jamais renoncé à la vérité et ce n’est qu’en coupant toute relation avec sa famille incestueuse qu’elle a pu enfin se libérer, reconstituer son histoire et entamer un processus de guérison. Avec son incroyable force de vie et son talent, Maritée offre à toutes les victimes d’inceste, à leurs proches et à tous les professionnels, la possibilité d’entendre une voix authentique qui leur parle enfin de ce que peut vivre au jour le jour une survivante de l’inceste dans une solitude effroyable et dans une culpabilité destructrice. Cette voix rare et précieuse leur parle de vérité et témoigne pour toutes les victimes, elle leur dit qu’elles ne sont pas seules à vivre cet enfer et leur redonne dignité et espoir.

De mon côté en tant que médecin, psychiatre et psychothérapeute, pendant plus de vingt ans j’ai pris en charge des victimes de violences, et avec elles j’ai travaillé à reconstruire leur histoire, à identifier toutes les violences subies, et tous les abus de pouvoir, à dénoncer et démonter les manipulations et les conditionnements opérés depuis leur plus petite enfance, à percevoir les positions perverses des agresseurs, leur intentionnalité et leurs motivations réelles (ils savaient ce qu’ils faisaient) et à rétablir une vérité recouverte par une couche épaisse de mensonges souvent très « convaincants » et par « un silence de mort », en s’aidant de toutes les preuves, de toutes les incohérences relevées, de tous les indices, en faisant sans relâche des liens entre les symptômes, les troubles des conduites telles que les mises en danger et les auto-agressions, les rêves, les cauchemars et les violences subies. Et pour ce faire, il a fallu ne jamais renoncer à la conviction que les violences et les symptômes, aussi incompréhensibles qu’ils puissent paraître, obéissaient à une logique et à une cohérence qu’il s’agissait de découvrir et de comprendre. Cette compréhension était la clé permettant d’accéder à la justesse de liens construits sur des associations d’idées, de sensations et d’affects, d’ouvrir la porte à la vérité et d’y voir enfin clair. Seule cette compréhension permettait aux victimes traumatisées de renouer avec leur propre vie et de ne plus être piégées par une pseudo-réalité mise en scène et imposée par les agresseurs, puis par la pseudo-réalité mise en scène par leur mémoire traumatique. Cette compréhension leur permettait aussi de renouer avec un sentiment de dignité, d’unité et de sécurité intérieure et de sortir des situations de manipulations et d’emprise et de ne plus se sentir coupables. Car la plupart des violences sexuelles, si elles sont des délits et des crimes « parfaits » (en France seuls 8% des viols font l’objet de plainte et 1% de condamnation ! selon des chiffres de l’Observatoire National de la Délinquance fournis en 2007), laissent malgré tout des traces, des indices, des preuves qu’il faut retrouver et bien interpréter. Avec mes patients victimes de violences, j’ai cherché de façon têtue à comprendre l’origine de leurs symptômes, les mécanismes psychotraumatiques en jeu et les raisons pour lesquelles, paradoxalement, les victimes de violences souvent s’auto-détruisent ou se mettent en danger. Je ne pouvais accepter les concepts explicatifs freudiens de fantasmes, de masochisme, de « pulsion de mort », de « compulsion de répétition », ou de fascination pour le traumatisme, ils ne me paraissaient pas logiques; non seulement ils ne rendaient pas justice aux victimes mais les culpabilisaient. Aidée par ce que m’apportait la clinique, par ce que vivaient mes patients et par ce qu’ils me disaient de leur souffrance, de leur histoire, par le travail psychothérapique fait avec eux, par des témoignages et par tout ce que de nombreux artistes avaient pu révéler sur la violence et ses conséquences, aidée aussi bien sûr par tous les travaux de grands cliniciens et les tableaux de névrose traumatique, d’état de stress post-traumatique, de syndrome psychotraumatique qu’ils ont décrits, par les travaux neurobiologiques sur le circuit émotionnel du stress et sur la mémoire, et enfin par les dernières découvertes scientifiques et les progrès en neuro-imagerie depuis le début des années 2000, j’ai pu élaborer grâce à une synthèse entre clinique psychiatrique et recherche neurobiologique un modèle théorique permettant de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de la mémoire traumatique et de toutes les conséquences psychotraumatiques les plus graves1. Il a été essentiel pour moi, et pour mes patients, de comprendre enfin, grâce à l’apport éclairant des mécanismes neurobiologiques, que des conduites à risques paradoxales, telles que les conduites addictives (alcool, drogues, jeux, sexualité), les mises en danger, les automutilations, font elles-mêmes partie des conséquences d’une mémoire traumatique de violences antérieures, et qu’elles sont un moyen anesthésiant (qui calme la souffrance mentale et physique) et dissociant (c’est-à-dire qui déconnecte de la réalité en altérant la conscience)

________

1 Salmona, M. Mémoire Traumatique. Dans : L’aide-mémoire de Psychotraumatologie. Paris, Dunod, 2008.

très efficace à court terme pour échapper à un mal-être insupportable et incompréhensible, produit par cette même mémoire traumatique.

Les mécanismes neurobiologiques à l’origine des troubles psychotraumatiques sont des mécanismes de survie exceptionnels que le cerveau met en place lors des violences pour échapper à un risque vital provoqué par un état de stress extrême. Les violences sexuelles sont tellement terrorisantes, sidérantes, incompréhensibles, incohérentes et impensables, qu’elles vont pétrifier le psychisme - le mettre en panne - de telle sorte qu’il ne pourra plus jouer son rôle de modérateur de la réponse émotionnelle déclenchée par une petite structure sous-corticale, l’amygdale cérébrale, qui joue un rôle d’alarme en commandant la sécrétion d’hormones de stress : l’adrénaline et le cortisol. La réponse émotionnelle monte alors en puissance sans rien pour l’arrêter et atteint un stade de stress extrême qui représente un risque vital cardio-vasculaire (adrénaline) et neurologique (cortisol) par «survoltage», et impose la mise en place par le cerveau de mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels sous la forme d’une disjonction. C’est un court-circuit qui isole l’amygdale cérébrale et qui permet d’éteindre la réponse émotionnelle. Cette disjonction se fait à l’aide de la libération par le cerveau de neuromédiateurs qui sont des drogues dures endogènes morphine-like et kétamine-like. La disjonction entraîne une anesthésie émotionnelle et physique alors que les violences continuent, et elle donne une sensation d’irréalité, de déconnexion, de corps mort, de n’être plus dans la situation mais de la vivre de l’extérieur en spectateur : c’est ce qu’on appelle la dissociation. La dissociation peut parfois s’installer de manière permanente, donnant l’impression de devenir une automate, d’être dévitalisée, déconnectée, anesthésiée, confuse, une morte-vivante. La disjonction est aussi à l’origine de troubles de la mémoire et d’une mémoire traumatique. La mémoire émotionnelle des violences va rester piégée dans l’amygdale, et ainsi isolée, ne pourra pas être traitée par l’hippocampe (structure cérébrale qui est un logiciel de traitement et d’encodage de la mémoire consciente et des apprentissages). Cette mémoire traumatique va alors rester en l’état, surchargée d’effroi, de détresse, de douleur et exploser ensuite, à distance des violences, de manière incontrôlable au moindre lien ou stimulus qui les rappellent (situations, lieux, odeurs, sensations, émotions, stress, etc.). Elle fait revivre à l’identique, de façon intolérable, les violences, avec les mêmes émotions, les mêmes sensations, le même stress extrême lors de réminiscences ou de cauchemars. Elle envahit totalement la conscience et provoque une détresse, une souffrance extrême et à nouveau un survoltage et une disjonction. La vie devient un enfer avec une sensation d’insécurité, de peur et de guerre permanente. Il faut être dans une vigilance de chaque instant pour éviter les situations qui risquent de faire exploser cette mémoire traumatique. Des conduites d’évitement et de contrôles de l’environnement se mettent alors en place. Toute situation de stress, toute remémoration, tout lien avec les violences est à éviter, il est impossible de relâcher sa vigilance, dormir devient extrêmement difficile. La vie devient un terrain miné par cette mémoire traumatique qui est tout le temps susceptible d’exploser en se rechargeant encore plus à chaque fois, et en créant au bout d’un certain nombre d’explosions une accoutumance aux drogues dures endogènes disjonctantes. À cause de cette accoutumance, l’état de stress extrême avec survoltage ne peut plus être calmé par la disjonction, la souffrance devient intolérable, avec une impression de mort imminente. Pour y échapper, il n’y a plus comme solution que de recourir au suicide ou à des conduites dissociantes, c’est-à-dire à des conduites qui augmentent brutalement le niveau de stress pour arriver à tout prix à sécréter suffisamment de drogues dures endogènes (pour disjoncter malgré l’accoutumance), ou qui renforcent l’effet des drogues endogènes grâce à une consommation de drogues exogènes (alcool, drogues, psychotropes à hautes doses). Ces conduites dissociantes sont des conduites à risques et de mises en danger : sur la route ou dans le sport, mises en danger sexuelles, jeux dangereux, consommation de produits stupéfiants, violences contre soi-même comme des automutilations, violences contre autrui (l’autre servant alors de fusible grâce à l’imposition d’un rapport de force pour disjoncter). Rapidement ces conduites dissociantes deviennent de véritables addictions. Ces conduites dissociantes sont incompréhensibles et paraissent paradoxales à tout le monde (à la victime, à ses proches, aux professionnels) et sont à l’origine chez la victime de sentiments de culpabilité et d’une grande solitude. Elles représentent un risque très important pour sa santé (accidents, maladies secondaires aux conduites addictives).

Les violences sexuelles ont le triste privilège de partager avec les tortures le palmarès des violences les plus graves, les plus destructrices et les plus tues. La loi du silence règne sur ces violences fréquentes, majoritairement commises par des proches et sur des mineurs. Elles ont des conséquences redoutables sur la santé psychique, et font partie de la catégorie de traumatismes qui sont à l’origine des plus forts pourcentages de troubles psychotraumatiques, tels que les états de stress post-traumatiques, soit 80 %, versus 24 % pour les traumatismes en général2. Les violences sexuelles, particulièrement quand elles ont été commises sur des enfants, ont un impact catastrophique sur la santé physique et psychique des victimes et sur leur vie sociale, professionnelle, personnelle et amoureuse. Ce sont les victimes de violences sexuelles qui vont subir les plus grandes injustices, comme nous le démontre magistralement le témoignage de Maritée : non seulement les violences sont très rarement identifiées, les agresseurs encore moins dénoncés, les conséquences sur la santé quasiment jamais dépistées ni traitées, mais le plus souvent les victimes vont être abandonnées, rejetées, exclues, condamnées du fait de leurs symptômes, sommées de s’expliquer et de se justifier par rapport aux troubles du comportement et des conduites très fréquents qu’elles développent, ce sont elles que la société va culpabiliser, c’est à elles que tous les proches et les intervenants vont faire sans cesse la morale, ce sont elles qui vont être méprisées. Tout se passe comme si, face à une victime d’un coup de poignard qui saigne abondamment, toutes les personnes autour d’elle, au lieu de la secourir, n’arrêtaient pas de lui reprocher de saigner, de salir tout, de ne rien faire comme tout le monde, d’être décidément complètement nulle de saigner ainsi, de se plaindre pour rien et de gâcher la vie de tout le monde, sans que personne ne se préoccupe un seul instant de l’agression et de l’agresseur qui pourrait tranquillement partir sans être inquiété, ou même de façon encore plus perverse, pourrait rester là, en face de la victime, en se joignant au concert de reproches. Ce serait extrêmement choquant et paraîtrait d’une grande injustice et c’est pourtant ce qui se passe pour les victimes de violences sexuelles. Non seulement elles ne reçoivent aucun secours, mais leur agression est ignorée, voire niée, leur agresseur absolument pas inquiété, et leurs blessures, leurs symptômes, au lieu d’être soignés et pris en compte, leur sont continuellement reprochés, comme si elles en étaient seules la cause par leurs inconséquences, leurs «caprices», leur paresse, leur mauvaise volonté, leur égoïsme, leur

________

2 Breslau N, Davis GC, et al. Traumatic events and PTSD in an urban population of young adults. Arch Gen Psychiatry 1991; 48: 216-222.

ingratitude, leurs provocations, leur faiblesse de caractère, quand ce n’est pas leur méchanceté, leur agressivité, leurs mensonges, leurs vices ou leur folie. Et la famille, les enseignants, les professionnels du social et de la santé de se plaindre de n’avoir vraiment pas de chance d’être obligés de s’occuper de cas aussi problématiques, sans que personne ne s’interroge sur ce qui a pu se passer, ni sur le fait qu’une aussi grande souffrance doive bien avoir une cause. Étrangement tout le monde a tendance à accepter très facilement que tous ces symptômes graves (douleur morale, tentatives de suicides, automutilations, fugues, conduites à risques particulièrement sexuelles, addictions, dépression, phobies, crises d’angoisse, insomnies, troubles des conduites alimentaires…) se soient développés comme par génération spontanée, c’est de la malchance, ces enfants et ces adolescents ont été trop gâtés, trop couvés !! ou ont eu de mauvaises fréquentations…ou bien ils sont nés comme cela, c’est dans les gènes…, c’est donc de la faute à personne ! Ouf !

Cette grande injustice se met en place avec la complicité du plus grand nombre, et bénéficie du silence des victimes. En effet une partie des victimes ont une amnésie psychogène des violences, jusqu’à 38% des victimes de violences sexuelles connues dans l’enfance n’en ont aucun souvenir 17 ans plus tard, d’après une étude de Williams (19943) et 59% vont être amnésiques lors de périodes plus ou moins longues (étude de Brière, 19934). Une autre partie des victimes ont des souvenirs, mais ceux-ci leur paraissent faux ou irréels car ils sont accompagnés de troubles dissociatifs, de sentiments d’étrangeté, de sensation d’avoir été spectateurs. D’autres victimes garderont le silence car elles se sentent trop honteuses et culpabilisées pour arriver à en parler, ou pensent comme le leur a dit l’agresseur que personne ne les croira, ou encore ont trop peur de l’agresseur qui les a menacées, ou enfin trop peur de réveiller une douleur intolérable en en parlant. De plus l’anesthésie émotionnelle mise en place par les dissociations joue un rôle important dans la minimisation des violences qu’elles ont subies, les violences peuvent alors ne pas paraître si graves puisqu’elles n’entraînent pas en apparence de souffrance. La théorie des « faux souvenirs » parachève cette injustice en disqualifiant le travail psychothérapique qui permet à des victimes de retrouver leur mémoire. Tout ceci est dû à une tradition de sous-estimation des violences sexuelles faites aux mineurs et aux femmes, de leur gravité, de leur fréquence, une tradition de banalisation d’une grande partie de celles-ci, voire de justification (idées reçues sur la sexualité masculine). La méconnaissance de la gravité des conséquences sur la santé des victimes, particulièrement sur la santé psychique, et sur les mécanismes en cause, ne fait qu’aggraver la situation. Il en est de même avec la méconnaissance des conséquences sociales des violences sexuelles sur l’apprentissage, sur les capacités cognitives, sur la socialisation, sur la vie sexuelle et amoureuse, sur les risques de conduites à risques, asociales et de délinquance, sur les risques d’être à nouveau victime de violences sexuelles ou autres, ou d’en être auteur.

________

3 Williams LM. Recall of Childhood Trauma : A prospective Study of Women’s Memories of Child Sexual Abuse. J Consult Clin Psychol 1994; 62 (6): 1167-1176.

4 Briere J, Conte J. Self-Reported Amnesia for Abuse in Adults Molested as Children. J Trauma Stress 1993; 6 (1): 21-31.

Les violences, il faut le rappeler, sont « des situations anormales entraînant des conséquences psychotraumatiques normales» fréquentes, graves et durables, liées à la mise en place de mécanismes neurobiologiquese sauvegarde. Et les conduites dissociantes sexuelles font partie des conséquences psychotraumatiques les plus spécifiques des violences sexuelles. Ces conduites dissociantes s’installent souvent dès l’enfance après les violences, les victimes les pratiquent seules sur elles-mêmes, en se cachant (mais les plus petits peuvent les avoir en public, à l’école). Elles peuvent prendre la forme d’une masturbation compulsive, d’une addiction à la pornographie, de scénarios fantasmés de violences, de conduites à risque sexuelles, ou de mises en actes de sévices sur soi-même en reproduisant au plus près les violences subies, avec de possibles automutilations, comme Maritée le décrit dans son livre. L’addiction au stress est trompeuse, elle peut passer pour une excitation sexuelle, ce qu’elle n’est pas, et la disjonction avec la sécrétion par le cerveau en flash de drogues dissociantes morphine-like et kétamine-like peut être confondue avec un orgasme. Ces comportements, ces pensées, ces pratiques compulsives, sont très douloureusement vécues, car les victimes n’en veulent pas et en ont horreur, elles ne les comprennent pas et se sentent coupables et honteuses.

Le témoignage de Maritée illustre parfaitement tous les mécanismes psychotraumatiques et leurs conséquences désastreuses sur la santé et la vie des victimes. Maritée nous montre dans son témoignage combien nous avons besoin avant tout de vérité, de compréhension, de cohérence et de soins spécialisés pour réparer la terrible blessure que représente un inceste. Cette violence est tellement impensable que tout concoure à la dénier et à ne pas la reconnaître. Contre le déni de toute la société, contre la méconnaissance de tous les professionnels, il faut donc lutter sans relâche par le témoignage, la recherche, la diffusion d’information et la formation de tous les professionnels concernés. Cette lutte, Maritée et moi, nous la menons en commun et de façon complémentaire. Et son livre est un outil précieux pour toutes les victimes et tous les professionnels



Docteur Muriel SALMONA

Psychiatre-Psychothérapeute,

Chercheuse et Formatrice en psychotraumatologie et victimologie,

Présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie (http://www.memoiretraumatique.org),

Responsable de l’Antenne 92 de l’Institut de Victimologie,

Bourg la Reine, France