lundi 19 octobre 2009

Violences sexuelles et situations paradoxales de dépendances à l'agresseur liées à la mémoire traumatique, et aux conduites dissociantes


Les traumatismes liés à des violences sexuelles, particulièrement s'ils débutent pendant l'enfance, l'adolescence ou sur une personne en situation de vulnérabilité et/ou s'ils ont été commis par des adultes ayant autorité ou censés les protéger, créent du fait du stress extrême généré par la première agression, une mémoire traumatique* (avec circuit de peur conditionnée) responsable de conduites paradoxales de dépendance à l'agresseur, de conduites à risque et de mises en danger. Ces conduites paradoxales sont en fait des conduites dissociantes qui s'imposent de façon incompréhensible et incontrôlable à la victime pour échapper à une angoisse et une détresse intolérable et qui permettent de la soulager en créant un état dissociatif avec  anesthésie affective et sensitive, dépersonnalisation et état de conscience altérée



Il s'agit de mécanismes neuro-biologiques  exceptionnels de sauvegarde qui se mettent en place lors de la première agression, le caractère transgressif, totalement imprévu, incongru, inconcevable, incompréhensible, terrorisant d'une agression sexuelle pour un enfant, un adolescent, une personne en situation de vulnérabilité venant de la part d'un adulte sensé être un exemple et le protéger génère une forte réponse émotionnelle (par l'intermédiaire du système limbique : ensemble de  structures cérébrales la principale étant l'amygdale cérébrale) responsable d'un stress extrême avec sécrétion d'adrénaline et de cortisol à des doses qui deviennent rapidement toxiques pour le système cardio-vasculaire et le cerveau, représentant un risque vital pour l'organisme. Pour y échapper le cerveau (comme lors d'un survoltage dans un circuit électrique) va faire disjoncter le circuit  limbique responsable du stress et isoler l' amygdale cérébrale, ce qui va avoir pour effet d'éteindre la réponse émotionnelle, faire chuter les taux d'adrénaline et de cortisol et donc de supprimer le risque vital, mais aussi de déconnecter les fibres qui informent le cortex des émotions (le cortex ne pourra pas traiter l'évènement), entraînant une anesthésie affective et une dissociation (état de conscience altérée), de déconnecter les fibres qui permettent la transformation de la mémoire émotionnelle amygdalienne non consciente en mémoire consciente autobiographique, entraînant des troubles de la mémoire : amnésie partielle ou complète du traumatisme et mémoire traumatique : mémoire émotionnelle qui reste piégée, hypersensible, immuable l'intensité des affects restant intacte et qui peut "s'allumer" lors de situations, d'affects, de sensations sensorielles rappelant l'évènement traumatique, recréant alors la détresse, l'angoisse et la panique initiales.



Cette déconnection de l'amygdale se fait grâce à des drogues endogènes "dures" qui sont sécrétées par le cerveau : endorphines (avec effet morphine-like), antagonistes des récepteurs de la N-Méthyl- D-Aspartate (avec effet Kétamine-like), ce sont elles qui vont stopper le risque vital physique et psychique au prix d'un état dissociatif, d'une anesthésie affective et d'une mémoire traumatique cette dernière étant une véritable bombe à retardement susceptible de se "rallumer" au moindre lien fait consciemment ou inconsciemment avec l'évènement traumatique (en totalité ou en partie), générant alors le même  état de détresse et de panique que lors du traumatisme. 



Pour échapper à ce risque de rallumage et donc à ces crises d'angoisse et de panique intolérables le plus souvent totalement incompréhensibles et impossibles à calmer, il faudrait éviter toute nouvelle situation de violence ou toute situation susceptible de rappeler ou de faire lien avec le traumatisme, seule la mise hors de danger ou la mise en place de conduites d'évitement peuvent permettre d'échapper à cette réactivation.



Mais les conduites d'évitement sont vouées à l'échec si les violences continuent, si la victime reste en contact avec son agresseur, la mémoire traumatique est continuellement réactivée, la souffrance est intolérable, pour y échapper il ne reste plus comme solutions que disparaître (suicide) ou la mise en place des mécanismes de sauvegarde par disjonction, cette disjonction dans un premier temps peut se faire spontanément, la victime face à son agresseur se dissocie et se retrouve dans un état d'anesthésie affective et d'altération de la conscience avec dépersonnalisation, sensation d'étrangeté, impression d'être spectateur de ce qui lui arrive, d'assister à un film ce qui la rend incapable de se défendre, de réagir et la met dans la situation d'être totalement sous emprise (état hypnoïde). Mais ce système de disjonction étant sous la dépendance de drogues endogènes "dures", cela entraîne assez rapidement des phénomènes de tolérance, d'accoutumance et de dépendance : pour que la déconnexion se fasse il faut un niveau de stress de plus en plus élevé pour avoir des taux plus élevés de drogues endogènes. Cela crée alors une situation paradoxale où il y a une nécessité vitale de se mettre en danger pour pouvoir disjoncter en augmentant le niveau de stress quand la mémoire traumatique est allumée, par exemple quand il va falloir affronter son agresseur, l'anticipation de cette situation étant particulièrement intolérable. La façon de se mettre en danger peut se faire :

- soit par des conduites auto-agressives (auto-mutilations, tentatives de suicide, douleurs provoquées, conduites "masochistes"), 

-soit par des prises de toxiques qui reproduisent ou provoquent l'état dissociatif (alcool, drogues, surdosage médicamenteux), 

-soit par des conduites à risque avec mises en danger qui sont des conduites dissociantes qui s'imposent à elle, qui peuvent être de "céder", de "plonger dans le danger", de suivre son agresseur ou même de provoquer ou de proposer chez son agresseur des passages à l'acte par des conduites ou des propos, des attitudes  "provocants", "séducteurs", passages à l'acte qu'elle redoute tellement que leur anticipation va créer un stress très important et permettre la disjonction et l'anesthésie affective qui permettra de vivre la situation redoutée dans un état "second" sans souffrance ni angoisse intolérable. Ces passages à l'acte, la victime ne les veut absolument pas, les craint plus que tout, et c'est pour cela qu'il est nécessaire qu'elle soit dans un état second pour y survivre.



La multiplication des situations traumatiques (violences qui continuent), la multiplications des situations de rallumage de la mémoire traumatique (rappel du traumatisme par des liens qui se font avec celui-ci, par un contact avec l'agresseur) entraînent un état de dissociation quasi continuel chez la victime avec dépersonnalisation, conscience altérée et anesthésie affective qui permet une emprise de l'agresseur sur la victime qui est de ce fait totalement vulnérable et dans l'incapacité de se défendre et peut même sembler "participer" aux violences par son état hypnoïde et par ses conduites dissociantes ("provocations", "propositions","attitudes", paroles, qui sont des mises en danger) alors même que c'est la terreur qu'elle éprouve vis à vis de son agresseur et vis à vis des violences, dont elle ne veut surtout pas, qui l'ont mise dans cet état du fait d'un mécanisme psycho-neuro-biologique de sauvegarde nécessaire pour éviter un risque vital physique et psychique. Le seul moyen pour y échapper étant de ne plus être du tout en contact avec son agresseur (contact physique, téléphonique, par courrier), l'agresseur, par expérience, le sait, aussi ne lâche-t-il pas sa victime (harcèlement, contact répétés). Ce n'est que quand la victime se sentira protégée de son agresseur, mise à l'abri, qu'elle pourra sortir de cet état de dissociation, "se réveiller"et prendre alors conscience de la gravité des faits, et qu'elle sera confrontée à sa souffrance et pourra demander de l'aide et être traitée, mais si elle est mise de nouveau en danger les processus de dissociation pourront reprendre. 


Bourg la Reine, le 09 février 2008,

Docteur Muriel Salmona


* Cf. article sur la mémoire traumatique avec bibliographie (2007)






dimanche 11 octobre 2009

Lancement en novembre 2009 d'un site internet d'information sur les conséquences psychotraumatiques : memoiretraumatique.org

Début novembre 2009 l'association Mémoire Traumatique et Victimologie que je préside va lancer un site internet d'information pour les professionnels et le public sur les conséquences psychotraumatiques des violences : memoiretraumatique.org qui mettra en ligne des documents, des plaquettes téléchargeables, des articles, des informations sur les conséquences des violences et la prise en charge des victimes, un annuaire, une bibliographie, des news et une page interactive dédiée aux adhérents de l'association où ils pourront partager leurs expériences, témoigner, réagir, publier leurs articles et leur billet d'humeur.
En mars 2010 est prévue la parution d'un ouvrage dont je serai l'auteure sur : les violences impensées et impensables et la mémoire traumatique à l'œuvre.

L'association Mémoire Traumatique et Victimologie
contact : memoiretraumatique@gmail.com
Résumé des statuts :

Les conséquences des violences sur les personnes sont largement méconnues, sous-estimées et très peu identifiées sur plusieurs plans : 

1 -  en ce qui concerne leur retentissement sur les victimes, avec des conséquences graves et prolongées sur leur santé psychique et physique.

2 - en ce qui concerne leur incidence comme générateur de précarité, en raison de l'impact des violences sur la scolarité ainsi que sur la vie sociale et professionnelle.

3 - et en ce qui concerne leur tendance à produire un véritable cycle de la violence en faisant sans cesse émerger de nouveaux agresseurs, qui sont d'anciennes victimes de violences, par l’intermédiaire de certaines conséquences psychotraumatiques (les conduites dissociantes)

De plus, les violences qui ont les conséquences les plus graves sont celles qui sont le moins dépistées : violences sexuelles, violences faites aux enfants, maltraitances, violences conjugales, et violences qui s’exercent sur des personnes en situation d’inégalité défavorable, de discrimination et/ou de vulnérabilité.

Au cours des études médicales générales et également spécialisées aucune formation n'est dispensée sur les conséquences psychotraumatiques des violences et leur prise en charge thérapeutique, laquelle est indispensable non seulement pour soigner les victimes, mieux les accompagner et les orienter, et améliorer leur qualité de vie, mais aussi pour mettre un frein à la perpétuation de ce cycle de la violence. Il est donc indispensable d'informer et de former les médecins et les autres professionnels de santé. 

Par ailleurs, l'information dispensée au public reste également parcellaire et insuffisante et doit être améliorée pour mieux protéger les victimes et mieux lutter contre les violences. Pour les victimes, la compréhension des mécanismes neuro-biologiques et psychologiques des conséquences des violences est essentielle pour comprendre l’origine de leur souffrance et de leur symptômes, être soulagées, déculpabilisées et pour retrouver dignité et espoir. 

Il paraît également nécessaire que tous les professionnels prenant en charge des victimes, les travailleurs sociaux, et notamment les intervenants liés à la Justice et à la Police, reçoivent des informations dans le but de mieux comprendre les victimes et d'expliciter et d'éclairer des mécanismes auxquels sont liés en partie précarité, désinsertion sociale, vulnérabilité et risque de délinquance.

Enfin, il paraît utile de fournir des outils théoriques et scientifiques aux nombreuses associations qui prennent en charge les victimes de violences spécifiques.

Le but de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie est donc de promouvoir une information des professionnels de santé, des associations prenant en charge les victimes de violence, des travailleurs sociaux et également une information du public, ainsi que d’améliorer et promouvoir la prise en charge des victimes de violences. 


Les moyens d’action de l’association seront les suivants :

- l’information des professionnels et du public se fera par le biais de réunions, d’interventions et de colloques organisés avec les personnes concernées, par l'édition de documents et par la mise en ligne d'un site internet. 

- parallèlement l'association se donne une mission de prévention des violences, d’analyse des facteurs à l’origine des violences, une mission de participation aux recherches sur les mécanismes et les conséquences des violences, et une mission de formation. Elle pourra dans ce cadre organiser des colloques, des campagnes d’information, et aussi des réunions d'analyse de pratiques professionnelles.

- après obtention des agréments nécessaires, elle  organisera des séances de formation, qui pourront donner lieu à la rémunération des formateurs. Des conventions pourront également être signées avec des organismes  de formation.

- des partenariats privilégiés pourront être mis en place avec les associations poursuivant des buts complémentaires, et diverses manifestations pourront être organisées, éventuellement en partenariat avec ces associations.

Tous les professionnels prenant en charge des victimes, les travailleurs sociaux, et aussi des intervenants liés à la Justice et à la Police pourront demander à être adhérents, leur candidature étant approuvée ou non par le bureau. D’autres membres pourront être cooptés du fait de leur intérêt pour le sujet.

Par définition tous les membres de l'association reconnaissent l'importance de la lutte contre TOUTES les violences et TOUTES les discriminations, ainsi que l'importance de la prévention et de la prise en charge des conséquences des violences, conformément aux buts que se fixe l'association. 


samedi 10 octobre 2009

Dissociation et mémoire traumatique lors de violences sexuelles : des conséquences graves sur la santé à soigner

Les violences sexuelles sont à l'origine de graves conséquences sur la santé mentale et physique directement liées à l'installation de troubles psychotraumatiques sévères qui, s'ils ne sont pas pris en charge spécifiquement, peuvent se chroniciser et durer de nombreuses années, voire toute une vie.
Ces troubles psychotraumatiques sont très fréquents lors de violences sexuelles, avec 80 % de risque de les développer en cas de viol (alors que lors de traumatismes en général il n'y a que 24 % de risques). Ce sont des conséquences normales des violences. Ils sont pathognomoniques, c'est à dire qu'ils sont spécifiques et qu'ils sont une preuve médicale du traumatisme. 
Ces troubles psychotraumatiques sont méconnus presque jamais dépistés, ni diagnostiqués (les médecins, les psychiatres ne sont pas formés), les violences subies ne sont pas identifiées et les victimes sont abandonnées sans traitement spécialisé. Tout se passe comme si on laissait un polytraumatisé après un accident se réparer tout seul sans soin, au pire il pourrait en mourir, au mieux il se retrouverait avec de lourdes séquelles et de lourds handicaps, et par chance il pourrait s'en sortir à peu près, mais après quelles souffrances !! C'est exactement ce qui se passe actuellement pour les victimes de violences sexuelles, on les laisse sans soin alors qu'elles sont polytraumatisées psychiquement et neurologiquement, pourtant il existe des soins efficaces. C'est inhumain. Et comble de l'injustice, tout le monde leur reproche sans cesse leurs symptômes et leurs handicaps.
Ces troubles psychotraumatiques sont générés par des situations de peur et de stress extrêmes provoquées par les violences. Ces violences sexuelles sont tellement terrorisantes, sidérantes, incompréhensibles, incohérentes et impensables qu'elles vont pétrifier le psychisme - le mettre en panne - de telle sorte qu'il ne pourra plus jouer son rôle de modérateur de la réponse émotionnelle déclenchée par l'amygdale cérébrale qui joue un rôle d'alarme en commandant la sécrétion d'adrénaline et de cortisol (hormones de stress). La réponse émotionnelle monte alors en puissance sans rien pour l'arrêter et atteint un stade de stress dépassé qui représente un risque vital cardio-vasculaire (adrénaline) et neurologique (cortisol) par "survoltage" et impose la mise en place par le cerveau de mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels sous la forme d'une disjonction. C'est un court circuit qui isole l'amygdale cérébrale et qui permet d'éteindre la réponse émotionnelle. Cette disjonction  se fait à l'aide de la libération par le cerveau de neuromédiateurs qui sont des drogues dures endogènes morphine-like et kétamine-like. 
La disjonction entraîne une anesthésie émotionnelle et physique alors que les violences continuent et elle donne une sensation d'irréalité, de déconnexion, de corps mort, la victime n'a plus l'impression d'être dans la situation, mais de la vivre de l'extérieur en spectateur, c'est ce qu'on appelle la dissociation. La dissociation peut parfois s'installer de manière permanente donnant l'impression de devenir une automate, d'être dévitalisée, anesthésiée, confuse, une morte-vivante.
 La disjonction est aussi à l'origine de troubles de la mémoire (amnésies) et d'une mémoire traumatique, la mémoire émotionnelle des violences va rester piégée dans l'amygdale, isolée elle ne pourra pas être traitée par l'hippocampe (structure cérébrale qui est un logiciel de traitement et d'encodage de la mémoire consciente et des apprentissages). Cette mémoire traumatique va alors rester en l'état, surchargée d'effroi, de détresse, de douleur et exploser ensuite à distance des violences de manière incontrôlable au moindre lien ou stimulus (situations, lieux, odeurs, sensations, émotions, stress, etc…) qui rappellent les violences. Elle  fait revivre à l'identique, de façon intolérable les violences avec les mêmes émotions, les mêmes sensations, le même stress dépassé lors de ces réminiscences ou lors de cauchemars. Elle envahit totalement la conscience et provoque une détresse, une souffrance extrême et à nouveau un survoltage et une disjonction. 
La vie devient un enfer avec un sensation d'insécurité, de peur et de guerre permanente. Il faut être dans une vigilance de chaque instant pour éviter les situations qui risquent de faire exploser cette mémoire traumatique. Des conduites d'évitement et de contrôles de l'environnement se mettent alors en place. Toute situation de stress est à éviter, il est impossible de relâcher sa vigilance,  dormir devient extrêmement difficile. 
La vie devient un terrain miné par cette mémoire traumatique qui est tout le temps susceptible d'exploser en se rechargeant encore plus à chaque fois, et en créant au bout d'un certain nombre d'explosion une accoutumance aux drogues dures endogènes disjonctantes. À cause de cette accoutumance l'état de stress dépassé avec survoltage ne peut plus être calmé par la disjonction, le souffrance devient intolérable, avec un impression de mort imminente. Pour y échapper il n'y a plus comme solution que de recourir au suicide ou à des conduites dissociantes c'est à dire à des conduites qui augmentent brutalement le niveau de stress pour arriver coûte que coûte à sécréter suffisamment de drogues dures endogènes pour disjoncter malgré l'accoutumance ou à un recours à des drogues exogènes (alcool, drogues, psychotropes à hautes doses) pour renforcer l'effet des drogues endogènes.
Ces conduites dissociantes sont des conduites à risques et de mises en danger : sur la route ou dans le sport, mises en danger sexuelles, jeux dangereux, consommation de toxiques et de stupéfiants, violences contre soi-même comme des auto-mutilations, violences contre autrui (l'autre servant alors de fusible grâce à l'imposition d'un rapport de force pour disjoncter). Rapidement ces conduites dissociantes deviennent de véritables addictions. Ces conduites dissociantes sont incompréhensibles et paraissent paradoxales à tout le monde (à la victime, à ses proches, aux professionnels) et sont à l'origine chez la victime de sentiments de culpabilité et d'une grande solitude. Elles représentent un risque très importants pour sa santé (accidents, maladies secondaires aux conduites addictives).
La prise en charge est essentielle, elle consiste à :
1- faire cesser les violences, mettre à l'abri et en sécurité, faire appel à la loi
2- donner des informations et expliquer les mécanismes psychologiques et neurobiologiques psychotraumatiques pour que les victimes comprennent ce qui leur arrive, pour qu'elles puissent se déculpabiliser et avoir une boîte à outils pour mieux se comprendre, mieux se protéger et mieux se soigner (cf la plaquette d'information "si vous subissez des violences")
3- orienter vers des centres de soins spécialisés avec des médecins formés à la psychotraumatologie
4- soigner : soulager la souffrance psychique en priorité, aider à éviter les conduites dissociantes, identifier la mémoire traumatique qui prend la forme de véritables mines qu'il s'agit de localiser, puis patiemment de désamorcer et de déminer,  en rétablissant des connexions neurologiques, en faisant des liens et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique. Il s'agit de "réparer" l'effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l'irreprésentabilité des violences, effraction, panne qui  rend le cerveau incapable de contrôler la réponse émotionnelle ce qui est à l'origine du  stress dépassé, du survoltage, de la disjonction, puis de l'installation d'une dissociation et d'une mémoire traumatique. Cela se fait en "revisitant" le vécu des violences, accompagné pas à pas par un "démineur professionnnel"avec une sécurité psychique offerte par la psychothérapie et si nécessaire par un traitement médicamenteux, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable car mieux représentable, mieux compréhensibles en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, les réactions de la victime, le comportement de l'agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l'hippocampe de refonctionner et ainsi de reprendre le contrôle des réactions de l'amygdale cérébrale et d'encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable. Le but, c'est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens, chaque symptôme, chaque comportement étrange ou dérangeant, chaque rêve ou cauchemar doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l'éclairer par des liens qui permettent de le mettre en perspective avec les violences subies. Par exemple une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de l'agresseur, une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l'agression, un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences comme un bruit de pluie s'il pleuvait, un bruit de chaudière si le viol a été commis tout à côté d'une chaudière, une heure de la journée peut être systématiquement angoissante ou peut entraîner une prise d'alcool, des conduites boulimiques, des raptus suicidaires, des auto-mutilations s'il s'agit de l'heure de l'agression, une sensation d'irritation, de chatouillement ou d'échauffement des organes génitaux survenant de façon totalement inadaptée dans certaine situation peut se rapporter à des attouchements subis, des "fantasmes sexuels" violents, très dérangeants dont on ne veut pas mais qui s'imposent dans notre tête ne sont que des réminiscences traumatiques des viols ou des agressions subies …
Rapidement, ce travail se fait quasi automatiquement et permet de sécuriser le terrain psychique car lors de l'allumage de la mémoire traumatique le cortex pourra aussitôt contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque. La victime devient experte en "déminage" et poursuit le travail toute seule, les conduites dissociantes ne sont plus nécessaires et la mémoire traumatique se décharge de plus en plus, la sensation de danger permanent s'apaise et petit à petit il devient possible de se retrouver et d'arrêter de survivre pour vivre enfin.

Les violences en général et les violences sexuelles en particulier ont donc de très graves conséquences et sont une atteinte à l'intégrité physique et psychique des victimes, et si les victimes ne sont pas soignées leur vie est fracassée. 

Les violences sont à l'origine de nouvelles violences dans un processus sans fin du fait de la mémoire traumatique et des conduites dissociantes violentes contre soi-même ou contre autrui. Les conduites dissociantes contre autrui sont choisies par un petit nombre de victimes qui vont se ranger du côté des agresseurs, du côté des dominants et s'autoriser à se dissocier et s'anesthésier en transformant une personne en fusible pour disjoncter sans risque par la violence extrême et insensée qu'ils lui font subir. La victime est toujours innocente face aux violences, elle est piégée dans un scénario qui ne la concerne pas, à jouer de force le rôle de victime. Ces conduites violentes ne sont possibles que dans un cadre inégalitaire qui permet de fabriquer des victimes toutes désignées et de les instrumentaliser le plus souvent en toute impunité.

Les violences sexuelles ne sont  pas une fatalité, elles n'ont rien à voir avec la sexualité, ni avec le désir sexuel, elles ne sont que des violences terriblement efficaces (les plus efficaces avec la torture) pour détruire, dégrader et soumettre l'autre. Il est possible de lutter contre elles en protégeant les droits, la sécurité et l'accès aux soins de ceux qui en sont le plus les victimes : les enfants et les femmes, en œuvrant pour qu'ils bénéficient d'une réelle égalité, et en ne laissant pas impunies ces graves infractions pénales.

Docteur Muriel Salmona